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Mon ami, mon bourreau

L’enfer est pavé de bonnes intentions, dit-on. Parfois, la plus petite attention portée, qui plus est par un proche, peut changer notre vie, pour le pire. Ames sensibles, s’abstenir ! Voici le difficile récit d’un viol.

C’est un beau mercredi. Il est 6h30 du matin, je m’apprête à commencer la journée. Le soleil, dans toute sa splendeur, commence à rayonner sur la ville de Bujumbura. Les oiseaux chantent pour annoncer le levé d’un autre jour. Je décide de m’agenouiller pour remercier le bon Dieu pour toutes ses merveilles. 

À 7h du matin, je prépare mon petit déjeuner, tout en pensant à ce que je vais porter en ce si beau jour. Tiens, cette chemise arc-en-ciel, je ne l’ai pas portée depuis longtemps. Ça irait bien avec mon pantalon « pattes d’éléphant » marron. 

Je prends mon petit déjeuner et m’en vais repasser mes habits. Soudain, à la vue de ma chemise, des souvenirs s’éveillent, la tragédie d’un soir d’été 2021 refait surface, c’est la dernière fois que je portais cette chemise. Je repose le fer à repasser, cherche une échappatoire, et finis par murmurer : « Saint Esprit ne laisse pas ces pensées me noyer ! »

Mon histoire

Je m’appelle Keza, un nom que j’aime tant, car il me rappelle qui je suis : une beauté, une splendeur immuable, une merveille. Depuis peu, je pratique ardemment, le self love pour me persuader de ma valeur en tant qu’être humain. À mes 20 ans, j’ai vécu l’enfer. Un désarroi qui m’a fait douter de ma personne, ma raison d’être. Une tornade qui a ravagé plusieurs de mes rêves pendant une période assez longue.

C’était un mercredi, mon jour préféré de la semaine. Je revenais du boulot. Comme j’avais réussi à cocher toute activité sur ma to do list, j’ai senti le besoin de rejoindre mes deux amis pour souffler et m’offrir un bon jus à la menthe. On a eu 3 bonnes heures de conversation et d’échanges, puis nous avons décidé de rentrer.

La tragédie

En route vers le parking des taxis, j’ai croisé un vieil ami. C’était magnifique. Ça faisait presque une année que l’on s’était perdu de vue. Nous avons parlé pendant quelques minutes, et il s’est proposé de me déposer chez moi. « Quelle bonne nouvelle, l’argent du taxi va aller dans ma poche ce soir », me disais-je.

En route, j’ai remarqué qu’il prenait la mauvaise direction et je lui ai signalé qu’il empruntait le chemin le plus long. Calmement, il a répliqué qu’on n’allait pas chez moi directement : « Il faut qu’on passe chez moi ». Mon cœur a fait un bond, mais il ne fallait pas que je le montre sans être sûre de la raison de ces palpitations.

Poliment, je lui ai demandé : « Et pourquoi donc on doit passer chez toi ? Il y aurait-il quelque chose que tu voudrais prendre ?». Et de me répondre : « Non, je veux juste qu’on passe un petit moment ensemble. Ça faisait longtemps non ?»

Ma peur s’accéléra. Avec un petit rire nerveux, je lui dis : « Mais arrête tes blagues. Dépose-moi chez moi. Je suis vraiment fatiguée, et d’ailleurs, on ne fait jamais ça toi et moi. Je veux dire, des visites aussi intimes. »

A cela, il monta le volume au max et rigola. Ma panique augmenta de plus en plus et avec un ton coléreux, je l’intimai : « Dépose moi ici, c’est bon, je vais prendre un taxi. ». C’était peine perdue, Il m’embarqua chez lui.

La peur, la colère, la panique, toutes les émotions bouillonnaient en moi comme une lave d’un volcan ! Dès que la voiture approcha sa maison, son gardien ouvrit vite le portail, comme s’il savait le deal. D’ailleurs, ce n’était pas un simple gardien. Il portait la tenue bleu marine. Oui, une garde policière. 

Ma peur me dicta de négocier. Négocier sur ce dont j’ai le plein droit. Je le suppliai de me laisser rentrer chez moi. Il répliqua avec un sourire maléfique : « Viens ! Si non, tu as vu ceux qui assurent ma sécurité ! »

Il ne me restait plus qu’à prier. Supplier ce bon Dieu qui a tant répondu à toutes mes prières, même les plus banales. Mais apparemment, ce soir il m’avait laissé dans la gueule du loup.

Je suis entrée dans sa maison, toute tremblante. J’avais en moi une folle foi, « Seigneur, fait quelque chose. You can, please help me out, ne me laisse pas seule. »

Cet ami que j’avais connu comme un frère, cet ami avec qui j’ai passé de longues heures à discuter, cet ami qui m’encourageait à chaque saison de ma vie, ce même ami n’a pas eu honte d’abuser de moi. Il a allumé son speaker à fond. Comme bon lui semblait. Il a jeté son sale appétit sur mon corps, me mordant partout comme un chien qui dévore sa proie, déchirant mes habits sans penser au moment suivant.

Je me suis battue, oui comme une guerrière, je me suis défendue. Je me suis servie de toutes les techniques que j’avais apprises lors de nos jeux-combats durant l’enfance, pour qu’au final, il remporte le combat.

Il m’a fait voyager dans les abysses de l’enfer. Il m’a obligé d’avaler sa sadique semence lorsque sa soif était assouvie. Et de là, il m’a craché à la figure : « La salle de bain est là-bas. Vas vite t’habiller pour que je te dépose chez toi. »

Que devrais-je faire ? Mes yeux ne faisaient que ruisseler, si je me rappelle bien. J’ai comme perdue la mémoire, comme si mon vécu n’était qu’un conte. En rentrant, il m’a répété à maintes reprises que si je crachais un mot, le pire m’attendait.

Et quand je suis finalement arrivée chez moi, j’ai crié, j’ai crié cette horreur. Ne sachant pas que là n’était pas la fin de l’histoire.

Deux jours après, l’ami qui était devenu diable devant mes yeux ne m’a pas épargnée. Il m’intimida avec sa police, parce que oui j’ai dû en parler à mes proches, j’ai dû raconter cette soirée. 

Sa police a exécuté directement son boulot et j’ai passé 6h d’enfer à me défendre, devant cet imbécile qui se déclarait victime. J’ai passé 6h à remuer mes plaies et pour m’en sortir, j’ai dû accepter son chantage.

Les mois qui ont suivis n’ont été que miséreux. Combien de fois j’ai essayé de me suicider, je ne m’en rappelle plus ! Combien de fois je me suis saoulée pour échapper à ces cauchemars, je ne m’en rappelle plus ! Je ne pouvais plus me regarder dans un miroir. Je ne saurais expliquer combien je m’en voulais, et j’en voulais à la terre entière !

S’en sont suivies d’interminables nuits d’insomnie, des journées de calamité, des mois de désarroi, une saison assez longue et lourde.

Mais le même Dieu qui avait ignoré mes appels m’a révélé le pourquoi. En fait, il fallait une goutte d’eau pour faire déborder le vase, pour que toutes mes peines soient guéries.

J’ai passé des mois à me faire soigner, à voir une psy, à panser mes blessures. Et aujourd’hui, je chante victoire. Je chante victoire aux cœurs qui m’ont pris la main, je chante victoire à cet homme qui a su tout aimer de moi, je chante victoire au monde.

Et à vous qui sanglotez en silence, alors que je me noie dans le torrent de mes pensées, je vous console sans toutefois assurer l’antidote miracle. À ces êtres qui ont su être sans toutefois être, je déclare victoire sur vous. À toutes les victimes de ce crime, venez, brisons le tabou.

Après cette longue conversation avec moi-même, j’ai décidé malgré tout de porter cette chemise. C’est mon héroïne.

 

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