Au moment où les autres vivent pleinement leur jeunesse, d’autres luttent, se battent contre cette maladie, cette affection dévastatrice, celle-là dont on ne guérit jamais, celle-là qui oblige à prendre des cachets tous les jours de sa vie. Durant son premier âge, Bianca* a ignoré sa maladie jusqu’ au jour où tout a basculé. Elle nous raconte…
J’ai passé toute mon enfance surprotégée. Mes parents me couvaient trop jusqu’à m’empêcher d’aller chez ma tante comme mon frère et ma sœur le faisaient. Je suis née séropositive contrairement à eux et mes parents me l’ont caché toute mon enfance. Ils ont trouvé des excuses face aux questions que j’avais. Comme ce jour de 2009, quand Josh*, un camarade de classe a marqué sur le tableau, au vu et au su de tous, que j’avais le VIH. Quelques années plus tôt, en 2006, quand j’avais eu le zona, une maladie opportuniste due au VIH, j’ai commencé mon traitement et mes questions sont passées sous le tapis.
Les premiers émois
A l’école secondaire, j’étais plus ou moins mûre. Mes parents avaient donc décidé de tout me dire. Même si je me doutais déjà de mon état, ça a été pour moi une nouvelle déchirante. Ils m’avaient aussi demandé de ne le dire à personne. Je devais donc vivre seule ma maladie et le cacher à mes amis. Depuis, je suis devenue une enfant solitaire.
A cette époque, je suis tombée amoureuse d’un gentil garçon qui n’avait pas le VIH. On s’aimait vraiment. Dans mes principes, je m’étais toujours dit que je cacherais ma maladie à mes amis, mais jamais à mon copain. Je considérais que la personne avec qui je prévoyais de me marier méritait que je lui dise tout de moi, qu’il sache dans quoi il s’engage en m’acceptant comme sa femme. Je lui avais donc dit. Compréhensif qu’il était, il m’avait soutenu. Avec lui, je parlais librement, je me sentais en paix et en sécurité.
L’impérieuse envie de guérison
Mais mon copain avait la foi forte. Il m’avait présenté à des pasteurs avec qui je pouvais discuter et qui pouvaient prier pour moi pour que je puisse guérir de ma maladie. Le premier pasteur me demanda si j’avais couché avec Jules* et je lui ai répondu oui. A ce moment, j’ai vu son visage changer comme s’il était déçu. S’étaient ensuite suivies des questions de jugement et à partir de ce moment, je n’avais plus voulu continuer la conversation. Il a prié pour moi et je suis rentrée. Ensuite, j’avais discuté avec un prêtre qui m’a conseillé de me trouver un partenaire qui avait le même statut sérologique que moi. Il m’avait expliqué qu’avec cette personne, j’aurais la chance de fonder un foyer solide. Alors que si j’épousais un homme séronégatif, il pourrait peut-être avoir plus tard envie d’autres femmes avec qui il ne devrait pas prendre constamment des précautions.
Un autre jour, j’avais pris rendez-vous avec un deuxième pasteur. Ensuite avec un troisième. Les deux, après la phase de prière, avaient beaucoup insisté pour qu’une fois sortie de la maison de prière, j’arrête les médicaments. Je devais croire à la guérison complète. J’étais prête à tout pour guérir de cette maladie. Je n’ai donc plus pris ces médicaments pendant au moins 2 mois jusqu’à un matin lorsque ma mère est tombée sur des médicaments que j’étais supposée avoir déjà pris. Elle me gronda et pour confirmer ce qu’elle craignait le plus, elle appela le centre où je me procurais ces médicaments. Evidemment, ils lui ont dit que ça faisait un moment que je n’y allais plus.
Le lendemain, on s’était rendu à l’hôpital pour vérifier mon état et ils avaient trouvé que la charge virale s’était élevée : le virus se multipliait beaucoup dans mon corps. Cela était suffisant pour mettre ma mère dans tous ses états. Ce jour a été pour moi un moment déclic, j’ai ouvert les yeux et je me suis rendue compte que je n’aurais pas dû arrêter le traitement. Quelques jours plus tard, j’ai rompu avec Jules et j’ai repris ma vie de séropositive en main.
Je faisais confiance aux hommes d’église mais avec l’expérience que j’ai eue avec ceux que j’ai rencontrés, je ne sais plus quoi penser d’eux. Comprenez-moi bien. Je ne les mets pas tous dans le même sac mais il y en a qui devraient changer. Certes, il est bien de prier. Mais, aller jusqu’à m’encourager à arrêter un traitement, le même traitement qui me maintient en vie ; ou à me persuader que je serai heureuse seulement avec un partenaire séropositif, ce n’est vraiment pas à mon goût.