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[#OyaNiOya] Consentement : que dit la loi burundaise ?

Quand peut-on parler de vice de consentement ? Qui ne sont pas autorisés à consentir ? La loi burundaise se préoccupe-t-elle assez du consentement dans la sphère de l’intime pour protéger celle/celui qui n’est pas d’accord ? Quelques réponses.

« Les hommes, avec des lois sages, ont toujours eu des coutumes insensées », disait Voltaire, un des grands penseurs du siècle des Lumières. Nous sommes dans une société qui n’est pas totalement consciente que l’injustice basée sur le genre a été tolérée depuis longtemps à tel point que les filles ou femmes qui ne se laissent pas faire sont parfois taxées d’ingare (celle qui veut toujours s’imposer) ou des marionnettes qui adhèrent bêtement aux concepts importés de l’Occident et qui acceptent tout et n’importe quoi. Heureusement que le législateur a, lui, bien compris l’intérêt de protéger les citoyens dans la sphère de l’intimité, et j’ai cité la loi sur la répression des violences basées sur genre (VBG). La loi burundaise exige le consentement dans les rapports intimes. Les filles et femmes ont le droit de dire Non, ce qui sous-entend qu’elles peuvent, mais ne doivent pas dire Oui.

Y réfléchir à deux reprises avant d’aller draguer  

Le consentement sous-entend un contrat, mais ce n’est pas un contrat en soi.  Il s’agit de la communication qui permet de s’assurer que chaque activité sexuelle se déroule avec le consentement de toutes les personnes concernées. En droit positif burundais, le consentement est l’une des 4 conditions de validité du contrat. Il est même un des conditions essentielles de l’existence d’un contrat, dixit Me Aminadab Mbonyumukiza, avocat près la Cour d’Appel de Gitega. S’il n’est pas là, le contrat est dit vicié. Le vice de consentement rend le contrat nul, de nullité absolue. Il peut en être ainsi quand il ya eu par exemple ce que les hommes de loi appellent des manœuvres dolosives (le dol) où une des parties au contrat procèdent par des tromperies pour amener l’autre partie à contracter. Mais pourquoi donc gloser sur tout ça ? Cela est applicable dans la sphère de l’intimité, mutatis mutandis. 

Le consentement sexuel marque la limite entre des rapports consentis ou des rapports non consentis qui sous-entendent la contrainte et donc le viol tel que la loi sur les VBG le prévoit (article 2, al. h). Une petite nuance quand même. Ces hommes de lois, de vrais pince-sans-rire, acceptent qu’en matière de mariage, « trompe qui peut », c’est-à-dire que si une fille se laisse berner par un soupirant qui prétend être riche comme Crésus, par exemple, alors que c’est un va-nu-pieds, le mariage ne peut pas être annulé pour autant. Cela n’est absolument pas valable en matière sexuelle. 

La voie de « je m’en fous » conduit dans l’abîme de « si j’avais su »

Si vous embarquez une fille dans un tissu de mensonges pour coucher avec elle, vous êtes fautif et c’est le viol. Viol, ce mot dont les mecs devraient avoir peur, si non ils risquent de prendre 5 à 15 ans de prison (article 578 du code pénal), et croyez-moi, ils en sortent la libido fortement diminuée. Mais encore, d’après toujours le code pénal en vigueur au Burundi, certaines personnes ne peuvent pas consentir. Il s’agit des mineures, des malades mentaux, des ascendants, des descendants naturels ou adoptifs…, la liste n’est pas exhaustive. Ici, il sied de préciser que si, en plus, il s’agit d’un enseignant qui débauche un(e) élève, c’est une circonstance aggravante. Avoir des rapports sexuels avec une personne de ces catégories, consentement ou pas, vous conduit en prison pour 25 ou 30 ans (article 579). Vous pouvez même prendre la perpétuité dans certains cas. Si vous empruntez la voie de « je m’en fous », vous vous retrouverez rapidement dans la maison de « si j’avais su ».  Au vu de ce qui vient d’être dit, toute personne adulte devrait y penser à deux reprises avant d’aller faire du gringue à une femme.  Toutefois, ces deux instruments légaux prévoient-ils une protection efficace ? 

La loi burundaise est-elle assez nuancée ? 

La loi burundaise reconnaît le consentement comme indispensable en matière contractuelle, c’est un fait. Dans les rapports sexuels, c’est un élément primordial car sans consentement on bascule dans le viol que la loi burundaise punit sévèrement comme on vient de le voir. Pourquoi revenir sur cela ? Et bien, parce que d’après certains, si toutes ces lois existent, elles n’évoquent pas d’une manière très nuancée le consentement. Et il paraît que cela peut impacter négativement la lutte contre les violences faites aux femmes. Elles sont assez sévères, oui mais ce n’est pas suffisant, d’après Me Aminadab.

Une législation sui generis ?

Dans les faits, quand il s’agit d’aller déférer les violeurs en justice, ce n’est pas toujours aisé de prouver qu’il n’y avait pas de consentement. Est-ce que la fille y est allée de son plein gré ou pas ? Le terrible adage Actori incubit probatio (la charge de la preuve incombe à celui qui allègue) enseigné dans les écoles de Droit trouve ici tout son essence. Parfois les accusés brandissent des messages implicites, des fois flous, qu’ils ont échangés avec leurs victimes, du genre « uno musi ndagukeneye ntusibe », « uraza ico tuyaga », « ingo siheza » pour prouver qu’en fait la fille était consentante, alors que non ! Le comble de malheur est que des fois les juges tombent dans le panneau, justement parce que la loi n’est pas vraiment prolifique et nuancée en ce qui concerne le consentement. Ici, il se pose la question de l’administration de la preuve chère aux juges, puisque dans cette histoire il n’ya que deux personnes parfois cloitrées entre 4 murs. 

Me Aminadab trouve que ce sont les juges qui devraient être plus avisés quant à la conduite des enquêtes. Le consentement doit-elle être implicite ou explicite ? Une personne peut-elle consentir à telle chose mais pas à telle autre dans la sphère de l’intimité ? Au début, il peut y avoir consentement, mais le consentement peut-il s’interrompre ? Voilà peut-être certaines nuances que le législateur devrait glisser dans la loi pour faciliter la tâche aux juges, d’après une autre avocate inscrit au barreau de Gitega depuis avril 2018, qui a requis l’anonymat. A ce sujet, il y a des pays qui vont jusqu’à proposer un droit pénal sexuel, pour donner toute sa place à cette matière dans leur arsenal juridique. C’est le cas de la législation belge qui va jusqu’à prévoir des cas où le consentement de la victime à un acte à caractère sexuel ne peut pas être déduit de l’absence de résistance de la victime. Ce projet de loi va plus loin pour considérer comme viol le stealthing (quand un homme retire son préservatif sans le consentement du partenaire et poursuit le rapport sexuel). Un exemple à suivre ?

 

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