Au moment où la campagne électorale débute, certains foyers la vivent comme un véritable déchirement. Ici, les appartenances politiques sont aux antipodes et une question se pose : comment maintenir un équilibre conjugal déjà précaire ? Témoignage.
C’est à l’université du Burundi que je rencontre celui qui sera l’homme de ma vie. Dès le premier contact, le courant passe vite entre nous. Tous les deux, nous venons de l’intérieur du pays. En fouillant dans nos racines, nous nous rendons compte que nos parents partagent les blessures de la guerre de 1972. Nos papas sont aujourd’hui des hommes politiques. Les conditions nous semblent donc politiquement favorables pour une aventure amoureuse. Une belle aventure s’annonce mais elle naît d’un passé douloureux et incertain.
Une affaire de familles
Remontons dans le temps. Après l’assassinat de mon grand-père, mon père décide de joindre la rébellion du CNDD-FDD. À cette époque, ma mère est enceinte et on vit dans des conditions difficiles. On n’a pas de contacts avec mon père, on ignore tout de son sort, et on se fie à la seule miséricorde divine. En 2003 avec l’accord global de cessez-le feu entre le gouvernement et le CNDD-FDD, notre cauchemar prend fin ! Nous revoyons mon père vivant. Et maman qui ne sait pas cacher ses émotions se met à chanter le CNDD-FDD à tue-tête ! Elle n’arrête pas de dire « CNDD-FDD yandereye umugabo none iramugarukanye » (le CNDD-FDD a gardé mon mari et il le ramène, ndlr). Pour toute la famille, le CNDD-FDD devient le messie. Et nous développons un credo : « umugambwe ni CNDD-FDD » (il n’y a de parti que le CNDD-FDD, ndlr). Je garde de bons souvenirs de mon enfance quand on partait pour les rassemblements du parti avec l’uniforme. Que de morale ! Ma moitié, quand à elle, a presque la même histoire. Mais avec le Palipehutu-FNL. Ooops ! A y regarder de près, on dirait que tout nous préparait à vivre ensemble malgré nos attachements politiques différents.
Mariés, mais différents
Au cours de l’aventure, je tombe enceinte. Comme nous avons l’obligation morale de garder l’honneur de nos parents, nous organisons le mariage à la hâte. Nos parents se découvrent lors du mariage. Et là, c’est le choc. Mon père apprend que mon beau-père n’est pas membre de CNDD-FDD. Autrement dit, c’est une brebis perdue. Mais cela n’empêche pas que les enfants convolent en justes noces.
Le mois de miel passé, la vie réelle nous rattrape. Nos différences politiques commencent à surgir et à se faire remarquer dans notre mariage. Lorsque nous visitons mes parents, ils passent leur temps à critiquer le parti de mon mari. Mon mari se la joue alors fair-play. Le respect aux beaux-parents exige. Mais une fois de retour à la maison, j’en paie le prix. Le même scénario se reproduit lors des visites dans sa famille.
Quel héritage politique pour les enfants ?
Lorsque nous avons eu des enfants, j’ai voulu leur transmettre les joies de mon enfance. Alors je les ai emmenés aux rassemblements du CNDD-FDD. De retour à la maison, j’ai eu chaud avec mon mari. Il considérait cela comme une trahison. Oui, j’ai obligation de le respecter comme chef de famille. Mais comment abandonner ce parti qui a fait rentrer vivant notre papa ? Comment ne pas enseigner à mes enfants l’hymne du parti ? Comment ignorer tout ce que mon père nous a enseigné ? Comment mon père le prendrait, lui qui dit que le CNDD-FDD coule dans nos veines ? Franchement, je ne vais pas abandonner notre « messie ». Je ne peux pas être à ce point ingrate.
Et nos enfants, quel sera leur parti ? Eux qui sont témoins de la bagarre entre leurs parents à cause de différends politiques. Comment les faire sortir de l’impasse due aux convictions politiques de leurs (grands-) parents ? J’essaie de maintenir la paix dans mon foyer mais mon mari insiste qu’il y aura la paix le jour où je vais joindre leur parti politique. Cela est injuste évidemment. Mais ceux qui sont mariés le savent bien. Les choix d’une femme mariée au Burundi dépendent de ceux de son mari. Pendant cette période électorale, c’est le comble de mon malheur. J’espère qu’elle n’emportera pas mon foyer.
Comme on dit, l’amour est aveugle mais le mariage lui rend la vue. Les pères spirituels auraient-ils raison quand ils nous exhortent de marier une personne avec qui nous partageons des valeurs ?
Quelle idiotie! Les burundais doivent apprendre à respecter les opinions des autres.
1. Aux Etats Unis ou les deux grands partis politiques sont les democrates et les republicains:
– en 1992, Chester James Carville Jr etait directeur de la campagne presidentielle du candidat du parti democrate, le jeune William Jefferson Clinton, alors gouverneur de l’Etat d’Arkansas (au sud des Etats Unis),
-au meme moment, sa petite amie Mary Matalin aidait le camp republicain pour la reelection du president George H. W. Bush (= Bush pere decede le 30 novembre 2018).
James et Mary se sont maries en 1993 et ils ont deux enfants.
2. Je ne crois pas que sur le PLAN (STRICTEMENT) IDEOLOGIQUE, il devrait y avoir tellement de difference entre les partis CNDD-FDD et le Palipehutu-FNL.
Respectez son conjoint dans ces choix est primordial , si non ça serait une dictature et non une vie de couple
« Et nos enfants, quel sera leur parti? »
Mon commentaire:
1. « Le 18 janvier 1963, le nouveau gouverneur de l’Alabama (=Etat au sud des Etats-Unis), George Wallace, dans son discours inaugural appelait a « LA SEGREGATION AUJOURD’HUI, LA SEGREGATION DEMAIN, LA SEGREGATION POUR TOUJOURS… »
(Voir Histoire de la segregation raciale aux Etats-Unis d’Amerique. boowiki.info.
Il faut noter qu’il etait encore du parti democrate.
2. Aux elections presidentielles de 2016, la democrate Hillary Clinton a pu recolter 89% des voix des noirs americains.
(Voir Why so many Black voters are democrats, even when they aren’t liberal. https://fivethirtyeight.com, 26 February 2020).
Gaye fofana
Chaque personne doit avoir un droit d’appartenir au parti politique de son choix. C’est normal. Permettez moi de vous dire que l’article est très délicat et personne ne veut pas activer ce genre de débat, pas parce que c’est un tabou à craindre mais parce que la plupart des burundais pensent que le cas de différentes appartenances politiques chez les conjoints n’est pas possible à gérer. Certains couples trouvent remède dans la séparation comme si l’idéologie d’un parti vient écraser l’amour, la nature de leur relation. Je veux vous dire ce que je pense à ça….Jusqu’à maintenant le peuple burundais ne sait pas encore ce que c’est un parti politique, on l’observe clairement lors des meetings, des propagandes, des réunions, ou même des déclarations des dirigeants des partis dans les médias. J’ai 26 ans mais je n’ai jamais entendu un membre du pati entrain de parler de ce que son parti prévoit de l’économie du pays une fois élu, de la préservation de notre culture, des stratégies dans l’éducation, de la technologie qui permettrait au pays de s’adapter au monde actuel. Par contre, qu’est-ce qu’ils font? Bien sûr ils chantent des critiques à l’encontre des autres, des injures, des propos méchants. Alors, ils attendent que les burundais votent pour leur parti pour sa présentation spectaculaire comme si c’était une audition pour un musicien professionnel. Si un parti politique était considéré comme un moyen communautaire pour faire avancer le pays comme pour les association dans le développement, le mari et son épouse qui divergent leurs appartenances politiques auraient été Tresor impatients de partager paisiblement leurs points de vue pour le bien du pays et de la famille, les enfants et les voisins. La question qu’on devait alors se poser aujourd’hui est la suivante: C’est quoi un parti politique pour un murundi?