Au terme d’un atelier organisé ce 23 avril par la CNIDH et l’UNICEF sur les risques d’exploitation des enfants en période électorale, nous n’avons pas échappé à la traditionnelle séance des recommandations. Les solutions fusaient de partout. Les politiques invités rivalisaient en promesses. Et il faut reconnaître que la politique est pavée de très bonnes intentions…
D’abord les constats, partagés à l’unanimité : la théâtralisation, caractéristique des politiques et leurs sympathisants qui battent campagne, ne rechigne pas à utiliser les enfants. À coups de danses et chants, des mineurs sont embarqués à leur insu dans des enjeux qui ne profitent qu’aux marionnettistes.
Puis, au moment des recommandations, un pavé a est alors lancé dans la mare. Le représentant du PARENA propose la dépolitisation des nominations des directeurs des écoles. Une passe d’armes s’engage. D’un côté ceux qui fustigent cette suggestion « parce que ce n’est pas les cas, c’est un poste purement technique ; une idée qui n’a pas lieu d’être ». De l’autre ceux qui soutiennent que « c’est une réalité flagrante qui fait que les écoles deviennent des institutions au service du politique et tout ce que cela peut comporter comme manipulation des enfants puisque le directeur reste redevable envers la main politique qui l’a mis dans cette place ».
Au milieu de leurs joutes verbales, l’enfant, l’élève. L’enjeu n’est pas minime. Il faut savoir que l’école au Burundi est apolitique et laïque. En milieu scolaire, les élèves doivent être mis au loin des calculs politiciens. Enfin, dans l’idéal. L’école, c’est aussi et surtout un grand réservoir à voix. Dieu sait si les politiques en quête de votes se dérangeraient d’y piocher quelques-uns.
L’histoire récente de notre pays nous donne des cas où la manipulation des élèves a endeuillé plusieurs familles. Des établissements où des jeunes lycéens se relayaient pour dormir afin de guetter, prévenir de probables assauts venant du camp « ennemi » sont légion. Des guerriers par procuration qui, souvent, se regardent en chiens de faïence en défendant des « intérêts » qui les dépassent.
L’enfant et la politique, liaison dangereuse
Dans son étude « Mobilisation partisane des jeunes au Burundi : contexte et formes de la socialisation politique », le politologue Nicolas Hajayandi revient sur la participation politique de la frange de la population qui, normalement devrait être épargnée d’être engagée dans l’arène du politique.
Au temps du parti unique, les mouvements des jeunes de l’UPRONA étaient animés essentiellement par les étudiants des universités et les élèves du secondaire, relayés au niveau des écoles primaires par le Mouvement des pionniers. Et c’est en grande partie ce dernier qui interpelle. La venue du multipartisme n’a pas changé la donne. Comme le dit cet universitaire, « la jeunesse au Burundi a constitué depuis longtemps, un enjeu important et une ressource politique considérable ». Avant de conclure plus loin que « la mobilisation partisane des jeunes dans des contextes sociopolitiques tendus constitue un moment privilégié de construction identitaire ».
Il va sans dire, cette construction identitaire chez l’enfant est à l’image de celle de ses modèles. Il est de notoriété publique que la campagne électorale n’est pas la grand-messe de la rhétorique bienveillante. Et si l’enfant devient une caisse de résonance des politiques, c’est son avenir qui est hypothéqué.
Surtout que son esprit de discernement n’est pas souvent à même de résister aux ruses de ceux qui l’utilisent en marionnettiste. La très virale vidéo des enfants affiliés au parti au pouvoir jurant par tous les dieux de traquer ceux qu’ils traitaient de tous les noms d’oiseaux reste la triste illustration du couple mal assorti que peuvent faire l’enfant et la politique.
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