Dans la littérature et dans le cinéma, ils nous vendent le triomphe d’un amour passionnel au dépens d’un amour rationnel. La passion, cette folie qui franchit toutes les contrées et qui finit toujours par rayonner. Au-delà de cette rêverie, que nous conte la vie réelle ? Deux cœurs purs qui s’aiment et qui surmontent tout sont comme des denrées rares. Surtout dans les couples sérodiscordants qui traversent plusieurs obstacles que peu en viennent à bout.
Je m’appelle Nadia*. J’ai 20 ans. Comme la plupart des citadines, j’ai commencé à fréquenter les garçons dès mon jeune âge. Ma puberté fut marquée par une grave révélation que mon père avait longtemps évité : je suis née séropositive. C’est par ailleurs ce qui a entraîné la mort de ma tendre mère à ma naissance. Portant ce lourd fardeau sur les épaules, j’en voulais à la vie et au monde entier. Pourquoi moi et pas les autres ?
Mes premières fréquentations
Pour une fois, je voulais me glisser dans la peau d’une fille normale malgré ce virus qui se trimballe en moi. Dans ma phase de rébellion, j‘ai abandonné ces comprimés que j’avais l’habitude de prendre sans savoir pourquoi. Je voulais vivre comme bon me semble et tant pis pour les dommages collatéraux. Un choix que j’ai regretté par après car ma santé s’est gravement détériorée. Je trouvais refuge dans la fête et la bière. J’avais la rage de vivre et d’aimer. Aimer représentait plusieurs enjeux pour moi. D’un côté, ce désir d’être aimé, d’aimer et de risquer le rejet par ceux qui m’aiment à cause de ma maladie. D’un autre, un risque de transmettre le virus à mes partenaires. C’est ainsi que, quand j’en venais à faire des rapports sexuels, j’exigeais toujours des préservatifs. Prétextant que je ne voulais en aucun cas tomber enceinte. Ma foi ne me permettait pas non plus de mettre en danger leur santé.
La première fois que j’ai avoué à un copain que j’avais le VIH, c’était il y a trois ans. Cet homme tenait beaucoup à moi et voulait que nous fondions une famille. Vu son ambition et par amour pour lui, j’ai décidé de tout lui dire. Prenant le courage à deux mains, je lui ai révélé mon secret. Sur le coup, il a pris peur, n’a pas semblé comprendre et a pris ses distances à mon grand regret. Nous avons fini par rompre. Par après, il m’a informé qu’il avait fait un test de dépistage du VIH qui s’est avéré être négatif. Il a eu peur pour sa vie. Peur aussi que sa famille s’en mêle car une belle-fille séropositive n’est pas souvent la bienvenue. L’illusion d’un amour inébranlable s’est écroulée en moi pour accepter cette situation qui était pourtant prévisible dès le départ.
Et aujourd’hui ?
Aujourd’hui, je suis en couple avec une personne qui m’accepte et qui me comprend car il est aussi séropositif. Il y a quelques mois, au mois de mars, un ami m’a présentée à lui. Il a 10 ans de plus que moi mais le courant s’est très bien passé dès les premiers instants. Il est toujours là pour m’épauler malgré son métier qui le pousse à s’absenter. C’est une relation dans laquelle je m’épanouis car nous partageons le même « problème ». Je me confie sans gêne et sans honte sur les sujets sensibles. Nous nous motivons pour prendre correctement nos médicaments. Il peut même aller en prendre pour moi si je suis empêchée.
Le jour où j’ai parlé à mon père de mon compagnon actuel, il s’est clairement confié sur son désir d’avoir un gendre séropositif. Il connaissait les mille et une contraintes d’un couple sérodiscordant. Pour un rien, ton/ta partenaire pouvait pointer le doigt sur ta maladie, ton « anomalie ». Une raison non valable qui est parfois un motif de mépris et de rejet. Sans oublier que la famille de la personne non séropositive est souvent contre cette union. Mon père voulait m’éviter tout cela ne sachant pas que j’avais déjà expérimenté ça par le passé. Mais le passé façonne le futur. J’ai appris que c’est plus facile d’aimer une personne qui te ressemble le plus et qu’un différend pouvait créer un fossé entre deux cœurs qui s’aiment.