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Uprona : fumer le calumet de la paix est-il suffisant ?

Alors que la fête de la liberté de la presse touchait à sa fin, une nouvelle est venue secouée la tranquillité des historiens du quotidien : les ‘’ailes’’ du parti Uprona se réconcilient. Le landerneau politique burundais mettra sûrement quelques heures avant de réagir, mais quelles leçons peut-on tirer de cette réunification qui prend certains au dépourvu ? Ce blogueur n’a pas pu s’empêcher de penser… à haute voix. 

‘’Abadacikana’’, voilà un sobriquet quelque peu ironique ou dénigrant que les Badasigana (membres du parti Uprona, un mot qui signifie à peu près : ceux qui ne laissent personne en arrière) ont du mal à se défaire, à cause peut-être de leurs intrigues, leurs manigances, (j’ajouterai ‘’de leurs turpitudes’’). Tout ceci dans le seul but de rester dans le giron du pouvoir, souvent sans même y disposer de réel pouvoir. 

Ce parti, qui a du mal à se départir de son passé, a dû faire des concessions, à défaut de rester dans les bonnes grâces du parti de l’aigle, mais tout au moins pour rester vivant, d’où son sobriquet évoqué plus haut trouve peut-être son essence, ‘’abadacikana’’, ceux qui ne meurent pas. 

Comme un phénix qui renaît de ses  cendres….

Nous l’avons appris au détour d’une journée de réflexion autour de la liberté de la presse. Un tweet est tombé du ciel : réunification de 2 blocs du parti @UPRONA__1961 constitués par le camp Ngayimpenda et ses alliés à savoir Yves Sahinguvu et Bonaventure Gasutwa et le camp Olivier Nkurunziza reconnu par le gouvernement, ce mercredi après plus de 13 mois de négociations. D’où l’allusion au phénix, cet oiseau de feu qui renaît ses cendres. Quand je lui ai montré ce tweet, un ami avec qui je partageais un verre a répondu, mi-figue mi-raisin : « Abadasigana bagira bahebe gusigana ? »

Les ténors du parti de… (j’ai beaucoup d’appréhension en l’écrivant) Rwagasore se seraient donc mis à chanter d’une seule voix ? Quelle voix, suis-je tenté de leur demander. Ngayimpenda et ses alliés ont donc fumé le calumet de paix avec l’ « aile » d’Olivier Nkurunziza ? Remarquez les guillemets qui entourent le mot aile car l’Uprona n’a pas que deux ailes. 

Mais revenons à l’essentiel. Si le parti Uprona a pu voler, peut-être pas si haut mais sûrement très longtemps, c’est parce qu’il n’a pas eu que deux « ailes », seulement. On n’a même pas besoin de fouiller trop loin dans l’histoire de ce parti pour se rappeler que Charles Mukasi avait à un certain moment son « aile », comme Charles Nditije avait la sienne. D’où la question, un brin cynique, je le concède : « Est-ce que Evariste Ngayimpenda, Olivier Nkurunziza et consort ont-ils décidé l’amputation de ces deux ailes qu’on vient de citer ? » 

Quid de l’aile de sieur Gaston Sindimwo qui, à un certain moment, faisait la pluie et le beau temps (au sein de l’aile dissidente ou pas, on n’en sait rien). Mais lui a fait fort dans la campagne électorale de 2020 où il apparaissait comme un OVNI. Il a déclaré, sans trembler, que s’il était élu, il construirait des restaurants où tout le monde pourra trouver de quoi manger à satiété. Inutile de préciser que même le quidam de Rukana de la commune Rugombo a compris que c’était un figurant que le parti au pouvoir remerciera en le nommant Vice-président de la République. 

La seule question qu’il faut se poser est de savoir si le parti Uprona se remettra de tels errements politiques. 

Et les causes à la base de la ‘’Nyakurisation’’ ?

Nul besoin d’être un connaisseur ès sciences pour comprendre que les scissions des partis politiques ne datent pas d’hier. En Kurundi, la scission telle qu’on la conçoit a été définie très tôt par un terme connu en langue nationale comme « Nyakurisation » qui signifie en peu de mots comme « le pirate, la falsification bref, tout ce qui n’est pas original ». C’est une pratique qui consistait à scinder les partis politiques en petites factions moins menaçantes pour le parti au pouvoir. Le premier à avoir Nyakurisé son parti d’appartenance est Jean Minani qui a fondé Frodebu Nyakuri. C’est lui qui semble avoir ouvert la boîte de pandore. D’autres partis suivront et se fractionneront en mini partis, au grand plaisir du parti au pouvoir, en l’occurrence le Cndd-fdd qui n’a cessé de marquer de son empreinte la vie politique du pays, faute de concurrence. D’autres suivront, et c’est ainsi même Agathon Rwasa a été obligé d’abandonner le nom originel de son parti historique FNL pour adopter celui du CNL que nous lui connaissons aujourd’hui. Nul doute que certains leaders politiques ont sacrifié leurs ambitions contre leur confort matériel dans cette histoire. 

La petite lueur d’espoir ? 

La seule question qu’il faut se poser est de savoir si cette réunification des ‘’Badacikana’’ émane ou est tolérée par le pouvoir du Cndd-fdd ou s’il s’agit d’une initiative propre aux ‘’upronistes’’ et donc vouée à l’échec. Le temps nous le dira. Mais d’ores et déjà, des signes avant-coureurs montrent que le régime de Gitega souhaite, ou du moins essaye de montrer que la normalisation de la vie démocratique n’est pas étrangère à ses priorités. Pourra-il pousser plus loin le bouchon et accorder la liberté d’action au parti CNL qui est, pour le moment, la première force de l’opposition parlementaire ? Là est peut-être toute la question.

 

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