article comment count is: 0

Traumatisme transgénérationnel : une maladie commune au Burundi ?

Au lendemain de la commémoration de l’assassinat du Président Melchior Ndadaye, certaines familles commémorent également les leurs qui ont laissé la vie dans cette guerre. Le Psychologue Prime Bigirindavyi, expert en résolution pacifique des conflits nous éclaire sur la transmission d’une blessure psychique d’une génération à une autre et la prévention pour les générations futures.

 Au Burundi, les années 1972, 1988, 1993, 2015 rappellent des guerres civiles qui se sont répétées. Cela n’a pas laissé indemnes les Burundais. Ces mémoires douloureuses animent les conversations familiales et politiques, ce qui ravive la flamme, réveillant les démons du passé. Cela s’observe surtout au mois d’octobre, mois qui symbolise pour pas mal de familles le deuil. 

L’assassinat du Président Melchior Ndadaye, le 21 octobre 1993, a provoqué des massacres dans différents coins du pays. Trente ans après, certains jeunes n’ayant pas vécu directement cet événement traumatique sont pourtant affectés par les mêmes répercussions que ceux qui ont subi personnellement ce traumatisme. Pourquoi ?

Une tradition orale qui sème la division

Chaque être humain appartient à une lignée familiale. Les ascendants transmettent un héritage à leurs descendants. Cet héritage contient le patrimoine génétique, mais peut également contenir des traumatismes. Celui-ci qu’il soit visible ou non, a un impact sur celui qui le reçoit. Les blessures psychiques peuvent ainsi se propager de proche en proche ou de génération en génération, à la manière d’un héritage ou d’une maladie contagieuse. D’où la naissance d’un traumatisme transgénérationnel. 

Le psychologue Prime Bigirindavyi définit le traumatisme transgénérationnel comme étant « un traumatisme transmis aux descendants (d’une génération à une autre). Ce sont des dettes psychiques qu’on porte sans s’en rendre compte. » Selon lui, cela pourrait avoir des répercussions durables sur la santé mentale et sur le bien-être des personnes touchées : « Un traumatisme peut se transmettre par des mécanismes inconscients, des facteurs génétiques et environnementaux. Certaines familles gardent des secrets par rapport à ce qui s’est passé. Ces non-dits, la non élaboration ainsi que l’incapacité à symboliser l’événement traumatique font que les générations actuelles se sentent identifiées dans ces événements. » 

Ainsi, l’ADN subirait une altération, une vulnérabilité génétique du génome, qui peut augmenter le risque de troubles mentaux et/ou de maladies physiques. Par exemple, un membre de la famille ayant vécu un événement traumatique peut voir apparaître des comportements agressifs, de fuite, ou de désordres psychologiques, qu’il peut transmettre à ses enfants ou petits-enfants. Les récits, les croyances, les écrits, les violences familiales, les crimes violents et l’extrême pauvreté peuvent également être des facteurs de transmission de traumatisme.

Comment détecter des signes de traumatismes transgénérationnels en famille ?

Dans certaines familles victimes de traumatismes transgénérationnels, l’autodestruction est fréquente. Il se remarque des comportements d’addictions, troubles alimentaires, troubles anxieux, comportements suicidaires et autres.

Pour d’autres familles, ce sont des problèmes relationnels comme l’hyper vigilance, la difficulté à établir des liens stables et durables, l’évitement avec les autres, les crises de panique, la toxicomanie, la baisse de la confiance en soi, etc.

Il y a aussi des membres d’une famille qui peuvent manifester des troubles de l’identité et comportement social perturbé, un manque d’estime de soi. Ils développent un sentiment d’inutilité, un jugement personnel très négatif. Cela génère des frustrations, parfois une colère exagérée pouvant conduire à une dépression ou une soif de vengeance inexplicable.

Comment alors s’en libérer ?

« Dans un pays fragilisé par les guerres civiles, les anciens de la famille devraient choisir de se surpasser, d’accepter totalement ce qui s’est passé, faire le deuil, mais pas éternellement. Cela aiderait à instaurer un dialogue réconciliateur et positif avec le reste de la famille. », explique le psychologue.

Pour lui, il est important de raconter les secrets familiaux, car les enfants guérissent lorsqu’ils entendent la vraie histoire de la bouche de leurs parents. La jeunesse devrait aussi se référer aux héros qui ont par exemple sauvé des personnes d’ethnies différentes.

Ainsi, le psychologue suggère une réécriture du récit de l’histoire familiale sous forme de mémoire cohérente et non stressante, pour se libérer des anciens schémas négatifs et de ses conditionnements malsains. Une nécessité de s’occuper de sa santé physique et mentale s’impose également. 

Selon M. Bigirindavyi, « parfois, on n’est pas conscient de son traumatisme. On pose seulement des actes pouvant être destructeurs… » Il est donc important que les proches d’une personne traumatisée se fassent aider par des professionnels, afin qu’elle soit capable de relaxer le cerveau, gérer le stress et le réguler afin de guérir de ses blessures et de promouvoir une cohabitation saine.

 

Est-ce que vous avez trouvé cet article utile?

Partagez-nous votre opinion