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Silence, ça nyakabigue!

La troupe Umunyinya vient de clôturer une tournée de représentation de la pièce Ija-mbo à Bujumbura et à Ngozi. Une contre-histoire de la genèse de la zone Nyakabiga qui tourne en dérision de nombreux clichés.

« Le théâtre n’est ni un cours d’histoire ni une leçon de morale, il a vocation de faire rêver », dixit Rivardo Niyonizigiye, l’auteur de la pièce. Fausse modestie ou les voies de l’artiste ne sont pas moins insondables que celles du Seigneur ? Ce qui est sûr, ce que le temps d’une représentation suffit pour remonter le temps. Tel dans un rêve, se retrouver comme téléporté dans le quotidien des Burundais et des Congolais de Nyakabiga. Une immersion dans ce microcosme, ses travers, ses peurs et ses gags.

Nyakabiga à ses débuts, découvre-t-on au fil de la pièce, a dû ménager la chèvre et le chou. D’un côté les Congolais bons vivants, de l’autre les Burundais calmes et réservés que leurs voisins chambraient en les appelant ngombe za Mwambutsa, les vaches du roi Mwambutsa. Bien que la vache soit pourtant portée au pinacle dans la culture du Murundi, cette qualification était tout sauf un compliment.

Des hédonistes vivant aux côtés des watoka birimani (paysans de naissance) et « fonctionnaires fatigués », de petites frictions ne pouvaient manquer. Dépité par le manque de loquacité des locaux, un mwana-mboka n’hésite pas à s’exclamer : « Hamuna hakiri nyinyi warundi. Kila siku munakaa kimya sana. Hautajua kama munasirika au munakosa vocabulaire. (Vous autres Burundais n’avez pas de jugeote. Vous la fermez tout le temps. On ne sait jamais si vous tirez la gueule ou si vous manquez simplement de vocabulaire. Ndlr) ». Plutôt sympa !

Nyakabiga, peur et silence

Lors de l’échange avec le public à la fin de la représentation au Centre d’enseignement des langues au Burundi (CELAB), l’auteur a précisé que «le silence et la peur sont au cœur de la pièce. ». Au fil des années les Burundais se sont sentis comme envahis. Quand leur quartier se retrouve dirigé par un congolais, c’est la goutte de trop.

Un vent de sursaut d’orgueil frôlant la révolte souffle sur Nyakabiga. Certains Burundais, pourtant réputés pour leur silence haussent le ton. Les pommes de discorde ne manquent pas à l’image d’un jeune burundais qui se fait tabasser pour avoir dansé avec une Congolaise dans un club. L’affaire titille la fibre nationaliste mais les Burundais ont peur de la gouaille des Congolais qui leur paraît comme un signe de puissance.

Loin d’être une brochette de clichés faciles, Ija-mbo est une occasion de rire de nous-mêmes, de nos stéréotypes.Tout cela mâtiné de certains faits historiques pour le moins insolites. N’en déplaise à son auteur qui refuse la chaire d’histoire, on saura grâce à sa pièce que le maire Pie Kanyoni a mené une guerre contre les pantalons appelés « pattes » qui ne seront réhabilités dans la conscience collective que quand le président Sassou Nguesso est venu à Bujumbura en « patte ». L’onde de ce choc a atteint Nyakabiga. Comment ? Umunyinya promet une autre représentation sur Bujumbura très prochainement, venez découvrir ou plutôt rêver par vous-même.

 

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