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Rwagasore, trait d’union entre les Burundais

Le Burundi commémore le 13 octobre de chaque année, la mort du Prince Louis Rwagasore. Dans un Burundi post-conflit, le caractère unificateur de du héros de l’indépendance devrait servir de modèle pour les générations actuelles et futures, dixit Acher Niyonizigiye, expert en leadership et professeur d’Universités.

Après avoir lutté pour l’indépendance de son pays, le prince Louis Rwagasore fut assassiné. 60 ans après sa tragique mort, sa figure fait l’unanimité. Selon Acher Niyonizigiye, la grandeur des paroles du héros de l’indépendance réside dans trois aspects de son caractère : 

Des paroles conciliatrices

Le discours de Rwagasore est profondément conciliateur dans un contexte de polarisation extrême. « La compétition qui avait précédé les élections du 18 septembre 1961 avait été rude entre les deux principaux blocs politiques hostiles ». D’une part, il y avait ceux qui voulaient une indépendance immédiate (alliés de l’UPRONA), et ceux qui voulaient une indépendance retardée (le Front Commun) soutenus par la puissance coloniale. 

Le climat politique de l’époque aurait pu justifier une attitude hostile et agressive. La persécution qu’il avait subie (son emprisonnement à Bururi pour l’empêcher d’organiser la campagne des élections communales de décembre 1960) et les irrégularités qui avaient entaché ces dernières, l’hostilité nette de la puissance coloniale envers l’Uprona dans le but d’assurer une victoire au Front Commun. 

Pour Niyonizigiye, dans un tel contexte, la victoire de l’Uprona aurait facilement pu servir d’opportunité pour narguer ses adversaires. Au contraire, le prince Louis Rwagasore a tenu à rassurer ceux qui avaient perdu les élections, leur garantissant une égale protection de l’Etat, insistant sur leur utilité à la nation, leur tendant la main de la collaboration. Il a plutôt mis en garde les membres du parti victorieux qui pouvaient être emportés par l’esprit de revanche et faire preuve d’orgueil ou d’insolence, allant jusqu’à les taxer d’ennemis de la nation. « Il s’est placé au-dessus de la mêlée et embrassé le peuple avec le regard d’un véritable leader national et a refusé de se considérer comme une victime, ce qui aurait renforcé la scission politique », explique Niyonizigiye ajoutant que sa personnalité est un trait d’union entre les composantes du peuple, même aujourd’hui. 

Un appel au rejet de l’animosité et des dissensions 

Le discours de Rwagasore appelle au rejet de l’animosité et des dissensions ; et à l’unité au-delà des familles politiques. « Rwagasore a proposé quelques valeurs qui pouvaient rendre cette unité effective : la courtoisie, la tolérance et le respect d’autrui ». Cette perception de la société qu’il voulait est étonnamment supérieure et expose sa grande clairvoyance et son sens d’ubuntu. Ces valeurs auraient pu servir de base morale et comportementale pour sa vision d’un Burundi « paisible, heureux et prospère ». La perte de cette vision d’une nation de courtoisie, de tolérance et de respect d’autrui a précipité le pays dans les affres de la méchanceté, regrette Acher Niyonizigiye. « Après son ignoble assassinat, ces trois valeurs ont été foulées au pied à plusieurs reprises ». L’intolérance politique a largement dominé la scène politique, conduisant à des manières criminelles et a des violations de masse des droits humains de base.

Sa compréhension de la démocratie devrait inspirer les leaders

 « En Afrique, il est d’usage de voir les gouvernements issus des élections subordonner l’intérêt général à leur soif des richesses, amplifier la corruption et le népotisme. Rwagasore croyait que la priorité du gouvernement était de protéger tous les citoyens et se pencher sur les véritables problèmes de la nation », explique l’expert en leadership. 

Pour la démocratie, il rejetait le principe du « copier-coller ». Pour lui, la démocratie n’était rien d’autre que la justice sociale. Les injustices sociales qui avaient marqué la période coloniale et précoloniale constituaient un véritable obstacle à l’émancipation du bas peuple. A la place d’une classe aristocratique qui jouit des bienfaits du pouvoir et dirigeant peuple misérable, il voulait que les gouvernants s’investissent pour solutionner les problèmes du peuple. Sa perception de la démocratie était centrée sur le bien-être du peuple. « C’est pour cette raison qu’il demandait aux Belges de continuer à soutenir le Burundi, dans le respect de notre dignité, de nos intérêts et de notre propre conception de l’intérêt national ».  Pour Niyonizigiye, le grand malheur de l’Afrique sub-Saharienne est d’avoir eu des leaders qui, au lendemain de l’indépendance, étaient plus loyaux aux présidents des anciennes puissances coloniales qu’à leurs propres peuples. « Il était prévisible que de tels leaders ne pouvaient pas développer leurs nations. Et le fait qu’ils ont été légion, montre à quel point le héros de notre indépendance était en avance par rapport à son temps ». 

Le discours de Prince Louis Rwagasore, au lendemain de la victoire de son parti, révèle un homme de principes, un véritable homme d’état qui avait un grand pouvoir rassembleur, un habile stratège qui pouvait parler à chacun dans un langage assurant, même a ceux qui le percevaient comme leur ennemi. Il n’est donc pas étonnant que sa figure fasse l’unanimité, soixante ans après sa tragique mort et devrait guider les Burundais.

 

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