Après les années de guerres qu’a connues le Burundi, des mécanismes, tant formelles qu’informelles, ont été mis en place pour traiter la question de la réconciliation. Cependant, l’apport et l’implication des jeunes laissent à désirer et cela peut s’avérer préjudiciable sur le long terme.
L’Histoire, avec grand H, du Burundi est un grand puzzle composé de plusieurs histoires qui en sont les pièces. Les crises consécutives sur fond d’ethnisme, régionalisme et autres maux de la désunion ont abimé le tissu social du Burundi comme nation. Le chantier de la réconciliation est titanesque avec la contrainte des mémoires parallèles qui n’offrent que des lectures partiales et partielles de l’Histoire. Il n’empêche que l’entreprise est noble et incontournable pour ne pas retomber dans les affres du passé.
Pour mener à bon port ces initiatives, toutes les couches de la société doivent être impliquées, de la composante aux opinions politiques divergentes en passant par l’âge. En parlant d’âge, voila là où le bât blesse. Les jeunes sont peu impliqués dans cette aventure nationale. Ils sont souvent relégués à des rôles passifs, laissant « ces affaires du passé aux vieux qui ont vécu cela et qui en sont responsables » comme le dit Jimmy, un étudiant en deuxième année de baccalauréat à l’Université du Burundi.
Cela peut être une bombe à retardement sur le long terme. Le passé ne passe pas comme par enchantement. Cela peut s’avérer encore plus dangereux auprès des jeunes générations qui, souvent n’ont pas personnellement vécu les événements qui leur sont racontés. Dans une étude sur la transmission des mémoires entre les générations, le chercheur Deus Ndihokubwayo note que « l’impact des mémoires divisionnistes – en particulier pour les jeunes – est un argument puissant pour suggérer que la mémoire soit privilégiée dans la justice transitionnelle et le traitement du passé, surtout quand il s’agit de la transmission intergénérationnelle ».
Une écrasante majorité à ne pas négliger
La jeunesse au Burundi, c’est tout d’abord la force du nombre. Les statistiques sont plus qu’éloquentes. Les jeunes de moins de 25 ans représentent une écrasante majorité de la population burundaise. Se passer de cette catégorie revient à construire sur du sable mouvant. Ce sont eux qui feront office de passeur de témoin entre ceux qui ont vécu les crimes et les générations à venir.
Ne pas les impliquer davantage est un paradoxe qu’il faudrait corriger. « Ils sont réceptifs quant à la réconciliation car ils ont moins de culpabilité par rapport aux atrocités du passé. Toutefois, ils sont les plus vulnérables aux manipulations des gens mal intentionnés qui peuvent remettre en cause le lien social entre les Burundais », analyse Lambert Hakuziyaremye, socio-anthropologue et membre de la plateforme ‘’DBSE : Non au tribalisme’’ qui milite contre les ravages de toutes formes de dérives identitaires.
Cela est d’autant plus important que les cours d’histoire sont le parent pauvre de l’éducation nationale. Dans certains cursus, un jeune peut terminer ses études sans avoir eu un seul cours d’histoire, tandis que d’autres vont seulement jusqu’à la marche vers l’indépendance. L’histoire récente avec ses frasques identitaires est zappée.
Les milieux d’entre soi qui servent de relais de transmission des mémoires, un des maillons importants de la réconciliation nationale, doivent être contrebalancés par un récit relativement consensuel autour duquel les jeunes doivent comprendre le passé. Dans le cas contraire, les mémoires parallèles qui s’épanouiraient chez les jeunes seraient une épine dans la réconciliation nationale effective, des risques de répétitions demeureraient pendant comme une épée de Damoclès.