Au Burundi, les années de conflits et de violences ont érodé la confiance intergroupe et interpersonnelle. Les victimes en ont gardé les séquelles profondes, mais les auteurs ne s’en sont pas sortis indemnes non plus. Ces troubles que le pays a connus ont donc hypothéqué la cohabitation et le vivre-ensemble. Comment y remédier et permettre aux gens d’envisager un destin commun ? Quelques pistes de solutions.
« Ingoma yagukanze irahuma ugahunga ». Ce dicton burundais dont la traduction littéraire signifie « le son du tambour qui t’a traumatisé t’incite à fuir dès que tu l’entends de nouveau ». C’est une expression ordinaire mais qui résume bien une situation burundaise datant de plus de deux décennies. Le phénomène des voisins tuant leurs voisins, des femmes trahissant leurs maris en les livrant aux tueurs et bien d’autres exemples de pires traitrises ont contraint à se défaire de toute forme de confiance. Bien qu’au Burundi, les gens se montrent empressés de partager leurs histoires de souffrance et de traumatisme, il est compliqué de se faire confiance les uns aux autres.
Le traumatisme c’est la douleur et les souffrances, mais pas que…
Dans la mémoire collective burundaise, les échéances électorales sont perçues comme une source de violence. De 1993 à 2015 en passant par 2010, la veille des élections est toujours un moment de panique de masse. Ainsi, le Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (HCR) montrait qu’en 2015, beaucoup de Burundais ont pris le chemin de l’exil vers les pays limitrophes.
Le traumatisme vécu par les Burundais au cours des cycles historiques de violence interethnique a eu un impact particulièrement dévastateur en raison de la nature ciblée de la violence fondée sur l’ethnicité et l’identification d’un groupe ennemi qui a « délibérément infligé des douleurs, des souffrances et l’impuissance de ses victimes. »
On découvre dans une étude intitulé « Psychosocial Approaches to Healing in Burundi » rédigé par Wendy Lambourne et David Niyonzima, qu’en réponse à une menace réelle ou perçue pour la survie d’un individu, d’un système de soutien ou d’une communauté ou d’une culture plus large, un traumatisme entraîne des changements dans le cerveau et le système nerveux qui sont essentiels à la survie mais potentiellement préjudiciable à l’estime de soi, à l’engagement dans les relations et l’implication productive dans l’apprentissage et le travail.
La Commission Vérité et Réconciliation (CVR) doit avoir le potentiel de permettre au groupe en deuil de parler et de guérir les traumatismes si cela permet que les histoires des victimes et des auteurs soient étalées, entendues et reconnues pour enfin se mettre d’accord que les deux groupes ont subi des pertes et des traumatismes
Une justice transitionnelle pour apaiser les esprits
Selon Alexis Nibigira, chargé du programme de prise en charge psychosociale au sein de Trauma Healing And Reconciliation Services (THARS), la justice transitionnelle a le droit de faire respecter les droits de l’homme, à faire régner la dignité de l’homme en faisant triompher ses droits à la vérité, à la justice, à la réparation et aux garanties de non-répétition des souffrances. « Il s’agit d’un devoir et d’une obligation de l’humanité tout entière. La CVR doit être un bon arbitre pour réconcilier toutes les parties », précise-t-il.
Comme solution, ce psychologue trouve que lorsque la crise est passée, le nouvel état d’équilibre ne sera jamais identique à l’état antérieur. Après guérison du traumatisme et sa résolution, un autre futur devra être organisé, déjà prêt à répondre à une nouvelle rupture. Cette prise de conscience face aux risques sera elle-même source de dynamisme et de capacité à affronter l’existence.