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Réconciliation au Burundi : et si l’on s’essayait à la justice réparatrice ?

Au Burundi, la guerre civile a laissé un lourd traumatisme, qu’il soit individuel ou collectif. Face aux crimes de masse perpétrés, ne faut-il pas dépasser la stricte règle de la peine pour intégrer la justice réparatrice dans le processus de la justice transitionnelle ?

 Un passé non assumé, écrit Desmond Tutu, risque de marquer l’avenir d’une funeste flétrissure. Dans un pays qui sort d’une crise comme le Burundi où il y a nécessité de cicatriser les cœurs brisés par le passé sombre et douloureux, d’aucuns aspirent à la réconciliation et au rétablissement d’un ordre juste et équitable base de la paix durable.

Selon Emilie Matignon, auteur de La justice en transition. Cas du Burundi, la pratique burundaise de la justice transitionnelle (JT) témoigne non plus exclusivement des obstacles rencontrés, mais aussi des évolutions amorcées et/ou espérées. Contrairement à un pessimisme radical qui conclurait à l’échec patent du processus de JT burundais, son application aboutit plutôt à un bilan mitigé. L’esprit de méfiance, généré par certains leaders politiques, nous guette en pensant que l’autre (de l’autre ethnie) nous veut encore du mal.

Pourtant, malgré toutes ces ambiguïtés, il y a l’urgence de construire l’avenir ; c’est un devoir collectif de contribuer à la résilience des personnes touchées par la guerre civile. Cette voie me semble crédible, surtout que le Burundi est héritier des valeurs culturelles traditionnelles positives telles que la solidarité, l’entraide sociale, le pardon et la tolérance mutuelle, le patriotisme, l’« ibanga », l’« ubupfasoni », l’« ubuntu ». Le moment semble opportun de rechercher dans nos racines, des ingrédients qui feront naître une justice plus humaine, capable de créer le dialogue entre survivants et proches des victimes.

Quid de la justice réparatrice ?

Cette justice dite réparatrice ou restaurative se définit comme tout processus dans lequel la victime et le délinquant, ou tout autre membre de la communauté ayant subi les conséquences d’une infraction, participent ensemble activement à la résolution des problèmes découlant de cette infraction, généralement avec l’aide d’un facilitateur. Ainsi, il s’agit de sortir d’une perspective punitive pour s’ouvrir à une perspective de confiance en la résilience des personnes. Pour HOWARD Zehr, connu comme le grand-père de cette philosophie, cette justice a pour objectif de définir collectivement les dangers, les besoins, les obligations, découlant des crimes commis et d’y faire face, afin d’obtenir la guérison et de rétablir du mieux possible l’ordre des choses.

Ce processus peut commencer dès l’instant où l’auteur et la victime sont d’accord et prêts à l’entamer. La demande peut venir tant des accusés que des victimes, même si bien souvent, la demande émane de l’auteur des faits. Dans les pays qui ont traversé les conflits violents comme le Burundi où les victimes réclament haut et fort que la justice soit faite, certains pourraient être tentés de dire que la justice réparatrice ne punit pas les coupables. Loin de là, la justice réparatrice n’exclut pas l’application d’une peine appropriée voire négociée. Elle n’est cependant pas imposée et elle doit être à mesure de refaire la cohésion sociale perturbée par les crimes.

La justice réparatrice dans le processus de justice transitionnelle

Actuellement, le Burundi est engagé dans le processus de la justice transitionnelle. Mais la CVR ne peut arriver à bon port, si sa mission, telle que définie dans la loi n°1/022 du 06 novembre 2018, ne débouche pas sur la réconciliation des Burundais. Certaines Commissions Vérité et Réconciliation ont fait recours à cette justice notamment en Afrique du Sud, au Canada.

Au Burundi, les dispositifs restauratifs intégrés dans la justice coutumière burundaise pourront aider dans la gestion de ce mauvais héritage de guerre à travers le processus transitionnel. Il s’agit d’un appel à faire preuve d’un profond respect à l’endroit de toutes les personnes concernées et touchées par les crimes et de développer la procédure participative (victimes, auteurs, communautés), car la justice réparatrice, même en cas de crimes de masse, a besoin de savoir quels sont les protagonistes de ce conflit. Cette justice offre un contexte bien plus propice pour le pardon et la réconciliation qui demeurent toujours à l’appréciation, libre et souveraine, des participants.

En plus, cette justice est moins tournée vers la répression des agresseurs que vers la reconnaissance de leur responsabilité et du tort causé à autrui. Elle vise surtout à renforcer les capacités (empowerment) des personnes à construire des relations saines qui pourront être des ressources pour la réconciliation. C’est pourquoi, elle est une alternative parfois avantageuse au modèle de justice transitionnelle centré sur la faute et elle correspond davantage à la finalité éthique de la CVR, afin de construire ce que Jean Marc Ferry a appelé une éthique reconstructive.

Vous saurez qu’ailleurs cette justice est appelée restaurative ou transformatrice, mais dans notre cas, réparatrice est à proposer, car on ne répare que ce que l’on ne peut pas remplacer. In fine, il s’agit d’une manière de se tenir face à un passé qu’il est difficile de remettre dans son état initial.

 

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