Le chômage reste une grande problématique au Burundi. Pour répondre à ce défi, les politiques publiques se sont historiquement orientées vers la formation des jeunes. Si ces initiatives ont leur mérite, elles suscitent également des questions cruciales : l’approche actuelle est-elle efficace ? Est-il temps de réorienter les priorités vers des projets plus concrets, capables de générer des milliers d’emplois directs ? À la veille de la table ronde des partenaires au développement et des investisseurs privés prévue les 5 et 6 décembre 2024, ces interrogations méritent une attention particulière.
Au-delà des slogans et des programmes, le Burundi a besoin de résultats tangibles qui transforment la vie de ses citoyens. Les politiques de lutte contre le chômage au Burundi semblent largement centrées sur la formation théorique. Objectif: doter les jeunes de compétences nécessaires pour entreprendre ou s’insérer dans le marché du travail.
Les formations, bien que nécessaires, sont parfois perçues comme des vitrines de propagande où certaines autorités/organisations cherchent davantage à démontrer leur engagement qu’à résoudre des problèmes structurels.
Des chiffres et encore des chiffres
Prenons l’exemple du Programme d’Autonomisation Économique et Emploi des Jeunes (PAEEJ). Le programme a bénéficié d’investissements considérables. Selon son site web officiel, 28 990 jeunes ont déjà été directement formés, 3 713 projets financés, 3 494 stages offerts et 124 912 jeunes sensibilisés. De surcroît, 9 244 emplois permanents ont également été créés tout comme 57 439 emplois temporaires et 49 729 emplois potentiels.
Selon le 6ème rapport national d’évaluation de la mise en œuvre de la déclaration et du programme d’actions de Beijing, la Banque d’Investissement pour les Jeunes (BIJE) a financé un total de 101 018 projets, avec un investissement cumulé de 838 167 000 BIF. Ces projets ont permis de soutenir 18 547 jeunes, parmi lesquels 11 696 hommes et 6 851 femmes. Cette initiative illustre l’engagement de la banque à promouvoir l’entrepreneuriat et l’autonomisation des jeunes, tout en contribuant à la réduction des disparités entre les genres.
Si ces programmes ont permis à certains jeunes de lancer des projets, une question demeure : combien d’entre eux sont devenus de véritables entrepreneurs capables de contribuer durablement à l’économie nationale ? La réponse à cette question offrirait des renseignements sur l’opportunité de continuer dans la même voie ou de réorienter ces programmes. Un examen rigoureux de l’impact réel de ces politiques est indispensable.
Avec une jeunesse qui représente 60 % de la population jeune, environ 400.000 jeunes diplômés sans emplois (chiffre en hausse depuis le recensement de 2020), un taux de sous-emploi de 53,4 % et plus de 90% des lauréats universitaires qui passent 5 ans avant leur premier emploi (selon Désiré Manirakiza, coordonnateur national de PAEEJ), les « beaux chiffres » du PAEEJ et de BIJE représentent une goutte d’eau dans un océan de besoins.
L’entrepreneuriat, un pari risqué
L’entrepreneuriat est sans aucun doute un pari honorable qui mérite d’être encouragé. Cependant, pour venir à bout du problème de chômage à l’échelle nationale, il est nécessaire d’aller au-delà et de mettre en place des solutions à la fois globales et structurées. Il est essentiel de reconnaître qu’en dépit des nombreuses formations et encouragements à l’entrepreneuriat, tout le monde n’a pas vocation ou les aptitudes nécessaires pour devenir entrepreneur.
Malgré toute la bonne volonté et des efforts conséquents, certains jeunes se retrouvent sur des terrains déjà conquis et ont du mal à décoller. Ce qui n’est pas surprenant car la réalité sur terrain diffère souvent de celle d’une belle présentation PowerPoint.
Parmi les projets soutenus, beaucoup peinent à générer des revenus de façon durable. Par exemple, dans certains cas, une production excédentaire de poulets et d’œufs a entraîné des difficultés de commercialisation.
Besoin des alternatives plus sûres
Imaginons un instant que les milliards de francs alloués à certains programmes d’autonomisation des jeunes comme le PAEEJ aient été investis dans la construction d’une grande usine de production. Une telle initiative pourrait transformer le paysage économique en offrant des milliers d’emplois directs et indirects. Une usine, bien pensée et bien gérée, ne serait pas seulement un lieu de travail, mais aussi un moteur de développement économique pour les communautés environnantes.
Cette alternative repose sur un raisonnement simple : au lieu de former des jeunes à créer des emplois, pourquoi ne pas leur offrir directement des opportunités d’emploi ? Les usines et autres grands projets industriels ont un effet multiplicateur qui dépasse le cadre immédiat. Elles stimulent la consommation locale, renforcent les chaînes d’approvisionnement et augmentent les recettes fiscales, tout en réduisant le chômage de manière concrète.
Il est grand temps d’évaluer l’impact des politiques de lutte contre le chômage. Cette évaluation doit aller au-delà des chiffres présentés lors des discours officiels. Il s’agit de mesurer l’efficacité des programmes en termes de création d’emplois, de renforcement de la résilience économique et de réduction des inégalités. Une telle démarche nécessite une collaboration entre chercheurs, décideurs politiques et les bénéficiaires eux-mêmes.
Les initiatives comme le PAEEJ (à qui, d’ailleurs, il ne reste qu’une année) et autres projets similaires sont-elles réellement des pépinières pour la prochaine génération d’investisseurs ? Sont-elles en train de nous former de futurs Siyoni, Ziranotse, et autres Simbare ? Si ce n’est pas le cas, des réformes stratégiques s’imposent.