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Politique d’ouverture de 1988, fruit de la volonté d’un homme ou de la pression politique ?

Le 05 février 1991, les Burundais ont approuvé par referendum la charte de l’Unité nationale. Deux ans auparavant, le Burundi avait connu un gouvernement paritaire comprenant les hutus et les tutsis. Une révolution pour les pouvoirs militaires tutsis de l’époque.  Derrière cette nouveauté, un militaire : Major Pierre Buyoya, arrivé au pouvoir en 1987 par un putsch. Qu’est-ce qui aurait donc poussé le président Pierre Buyoya vers cette ouverture ?

Il y réfléchissait déjà, mais la crise a précipité les choses. Ce sont les propos de Cyprien Mbonimpa, Ministre des affaires étrangères du Major Pierre Buyoya dans son livre Mémoire d’un diplomate. Dans la fraîcheur des évènements de Ntega- Marangara, il s’était rendu en Europe pour expliquer ce qui se passait au Burundi. 

Pour rappel, la crise de Ntega-Marangara éclate en août 1988 dans la commune de Ntega en province de Kirundo et Marangara de la province de Ngozi au nord du Burundi. Des massacres à caractère ethnique replongent le Burundi dans les affres de la violence, soit 16 ans après la tragédie de 1972.

A son retour, le Ministre Mbonimpa a rencontré le Président Buyoya pour lui faire un compte-rendu de son ballet diplomatique. L’une des idées que les autorités allemandes lui avaient suggérées était celle d’ouvrir largement le gouvernement pour inclure une grande majorité des hutus dans le but de mettre fin à ces crises répétitives. « Sur la question de l’ouverture du gouvernement aux hutus, le président Buyoya m’a dit qu’il y pensait déjà et que la crise va l’obliger à accélérer. », peut-on lire dans ses mémoires. 

Le Major Buyoya ne tarde pas à joindre sa parole à l’acte. Le 19 octobre 1988, il met en place un gouvernement d’unité nationale dirigé par un Premier ministre Hutu. Il était composé de 12 ministres hutus et 12 ministres tutsi. « Pour moi, la question d’unité nationale était une priorité absolue à notre démarche politique. Celle-ci devrait trancher avec le passé. Si la question d’unité nationale s’est posée et se pose au peuple burundais, il ne fallait pas le constater seulement et croiser les bras, il fallait l’affronter avec courage et avec détermination. », explique Pierre Buyoya dans son livre Les négociations interburundaises, la longue marche vers la paix.

 Une pilule difficile à avaler

En effet, après la crise de 1972, tous les gouvernements qui se sont succédé ne comportaient presque pas de ministre Hutu. Pour Sylvestre Ntibantunganya, à son arrivée, Buyoya ne diffère en rien de ces deux prédécesseurs. « L’organe militaire  qui vient de se hisser à la tête de l’Etat, et plus tard du parti UPRONA, demeure ethniquement monocolore … il n’y a que les traditionnels « quatres hutus », aux mêmes postes que son prédécesseur Bagaza avait fixés », affirme-t-il dans son livre Burundi Démocratie Piégée. Toutefois, poursuit-il, son attitude va changer deux mois après son accession au pouvoir. Le Comité militaire pour le salut national (CMSN), organe suprême du pays, va confier la question de l’unité nationale au Secrétariat national de l’Uprona, parti-Etat à cette époque. 

Malgré la volonté du président Buyoya, M. Ntibantunganya estime que son système était hostile au changement. S’attaquer à l’épineuse question de l’unité impliquait la remise en cause de l’Etat. Or, c’est l’armée qui dirigeait le Burundi d’une main de fer depuis 1966. « Le drame vécu à Ntega et à Marangara, la pression des forces sociopolitiques intérieures et celle de la communauté internationale ont eu raison de l’intransigeance et de la myopie politique de certains membres du CMSN. », fait savoir M. Ntibantunganya. 

C’est dans ces circonstances que le CMSN opte pour la création d’une commission chargée d’étudier la question de l’unité nationale. Le 4 octobre 1988, 20 membres furent nommés : 10 hutus et 10 tutsi. Deux semaines après, un gouvernement avec ces mêmes proportions a vu le jour.  Pierre Buyoya  a fait de la politique de l’unité sa véritable religion et a ouvert le pays au multipartisme. Une réussite ? Parler de succès de son action, au regard de ce qui a suivi, serait difficile. La crainte de la perte de la mainmise de l’armée sur l’Etat et la volonté majoritaire de se défaire de cette oligarchie militaire ont eu raison de son action politique.

 

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Les commentaires récents (1)

  1. Madame, Monsieur,
    S’il vous plait, veuillez consulter la documentation (livres de témoignages, mémoires de fin d’études universitaires, articles de presse, divers documentaires…) existante aujourd’hui, qui est d’ailleurs massive sur ce sujet. Il existe aussi beaucoup de témoins encore vivants, qui ont tout vécu et qui doivent être heureux de partager leurs souvenirs avec nos jeunes d’aujourd’hui. Ca vous aidera à comprendre ce qui se passe ce jour.
    Pour votre information et votre gouverne, je vous prie de noter (selon mes recherches confirmées par plusieurs autres sources) que la crise de Ntega Marangara, sous sa forme de conflit ethnique pré-fabriqué, fut la première « guerre par procuration » portant les germes des premières fractures géopolitiques régionales ouvertes de cette Afrique des Grands Lacs en ébullition que vous connaissez. Pourquoi? Comment? Si vous désirez savoir, vous pouvez y arriver.
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