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Burundi : la nécessité de lever le voile sur la santé mentale

Fondamentale pour les uns, mystique pour les autres, la santé mentale n’est parfois pas prise à la hauteur de ses enjeux.  Ici comme ailleurs, beaucoup d’informations erronées déroutent les gens. Dans une série de textes, Yaga va essayer de « démystifier » certains concepts liés à la santé mentale au Burundi. Montrer ce qu’il en est réellement, quand demander de l’aide, mais surtout comment se porte le domaine de la santé mentale au Burundi. Voici quelques-unes des interrogations auxquelles nous allons tenter de répondre dans ce dossier. 

Partons de cette histoire d’un jeune homme trentenaire encore dans la fleur de l’âge. Un bon matin, il commence à afficher un comportement « bizarre », de l’aveu de ses proches. Ceux-ci, habitués parfois à ses sauts d’humeur après un weekend bien arrosé par exemple, n’y prêtent pas trop attention. Sauf que, H.S., appelons-le comme ça, va garder ce « comportement bizarre » pendant des jours. Dans un premier temps, il se rend comme d’habitude à son boulot mais ne travaille pas comme avant. « Il semblait comme abattu, sans aucune motivation, triste et ne sachant pas quoi faire », disent ses collègues.

Par la suite, il n’est plus capable de se rendre au boulot. A la maison, il refuse même de manger. Dès lors la famille l’amène dans une structure de soins proche. Après des examens, aucune maladie physique n’est diagnostiquée. Retour à la maison. A ce moment, il n’y a aucun doute, « il a été ensorcelé », pense sa famille. Retour à la case « soins traditionnels » qui ne donnent finalement rien. H.S. souffre toujours.

Par le simple des hasards, un ami de la famille leur conseille d’aller voir un centre de soins de santé mentale. Ils n’y avaient jamais pensé. Parce que, H.S. a beau avoir un « comportement bizarre », il n’est pas agressif ou trop logorrhéique. Pour sa famille donc, il n’est pas « fou », il a autre chose. 

Heureusement pour lui, dans le centre pour soins mentaux, on découvre ce qu’il a : un problème de santé mentale, nommé la dépression. Il est pris en charge quelques semaines au centre puis renvoyé chez lui, dans un état amélioré. Sauf que, faute de suivi, il replongera quelque temps après…

Un domaine aux multiples défis

L’exemple de H.S. résume à lui seul tous les défis auxquels fait face le domaine de la santé mentale au Burundi. D’abord une errance thérapeutique ahurissante. Pour qu’une personne souffrant de maladie mentale puisse avoir son diagnostic, c’est toute une galère et les raisons sont multiples. La plupart des gens croient encore qu’une personne avec un problème mental est victime d’un mauvais sort. Ce qui compromet la prise en charge de la personne, le premier recours préféré étant chez les guérisseurs traditionnels pour ne pas dire les sorciers.

Par ailleurs, dans les centres de soins généraux, les professionnels de santé portent l’attention sur les maladies dites physiques que celles mentales. Il faut dire que la plupart d’entre eux ne sont pas assez formés pour prendre en charge ce type de pathologies. 

Concernant les centres spécialisés, ils sont encore très peu au Burundi. Un seul centre neuropsychiatrique d’envergure nationale, celui de Kamenge (CNPK) avec ses antennes de Ngozi et Gitega, des structures où les soins de santé mentale sont en train d’être intégrés comme à Muyinga, Rutana et Rumonge ; ajoutés à ceux-là quelques unités de soins de santé mentale dans quelques hôpitaux comme l’hôpital militaire, l’hôpital de Kigutu ou encore Kira. C’est très peu pour une population de 12 millions d’habitants dont « 4 personnes sur 10 présentent des troubles psychologiques », d’après une étude du ministère de la santé publique et de la lutte contre le sida menée dans quatre provinces du pays en 2019.

Le personnel, en faible nombre (à titre d’exemple le pays compte à ce jour seulement 4 psychiatres exerçant au Burundi), se retrouve surchargé à l’instar des centres. C’est pourquoi, comme pour H.S., les personnes améliorées sont autorisées à rentrer, sans réel suivi après. L’alternative ? Des centres d’écoute ou de counseling qui devraient servir dans la prise en charge des pathologies mentales ne nécessitant pas des thérapies médicamenteuses et dans le suivi psychologique des malades, après leur séjour dans un centre psychiatrique. Mais ceux-ci font défaut.

D’où l’intérêt d’investir plus dans ce domaine. Il faut dire que le 1%, qui représente la part de la santé mentale dans le budget global alloué à la santé en 2019, est très loin de couvrir tous ces besoins. Un investissement consistant permettrait, entre autres, de réduire le coût de la prise en charge des maladies mentales et rendrait plus accessibles les médicaments dont la cherté oblige parfois les patients à arrêter le traitement avec les risques de rechute. Mieux encore, il permettrait d’intégrer encore plus les soins de santé mentale dans les soins de santé de base, ce qui ne peut être qu’une bonne chose.

 

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