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La main tendue du président ivoirien: un cas d’école pour le Burundi ?

À l’issue du premier conseil des ministres du nouveau gouvernement, le président ivoirien, Alassane Ouattara, a tendu la main à Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé fraîchement blanchis par la Cour Pénale Internationale (CPI) mais toujours poursuivis par la justice en Côte d’Ivoire. Et moi, depuis Bujumbura, dans mon coin, à plusieurs kilomètres d’Abidjan, je  me surprends en train de faire ce vœu : « Puisse le Président Évariste Ndayishimiye y puiser une inspiration ».

« Messieurs Laurent Gbagbo et Blé Goudé sont libres de rentrer en Côte d’Ivoire quand ils le souhaitent. Les frais de voyage de M. Laurent Gbagbo, ainsi que ceux des membres de sa famille, seront pris en charge par l’Etat de Côte d’Ivoire ». Et d’ajouter : « Les dispositions seront également prises pour que M. Laurent Gbagbo bénéficie, conformément aux textes en vigueur, des avantages et des indemnités dus aux anciens Présidents de la République de Côte d’Ivoire ».

Dans l’après-midi de mercredi dernier, la twittosphère a eu la surprise de lire ces phrases de la part du président Ouattara. Les mots sont clairs. Gbagbo et Blé Goudé peuvent rentrer dans leur pays après une décennie d’absence et de détention dans l’établissement pénitentiaire de la CPI, cette même cour qui vient de prononcer leur acquittement au terme d’un long procès. 

Pour rappel, les deux hommes avaient été arrêtés en 2011 des suites d’un contentieux électoral qui venait de secouer le pays de Houphouët Boigny. Ce contentieux, on se rappelle, avait provoqué des violences meurtrières. Si les deux parties, celle d’Ouattara et de Gbagbo s’accusent mutuellement, c’est le camp de ce dernier qui se retrouve à La Haye. Et c’était parti pour dix bonnes années de taule. Ce n’est qu’au terme d’un procès largement suivi et commenté que cet ancien président et son poulain Blé Goudé sortent blanchis. Un acquittement confirmé même en appel. 

Dans son annonce, Alassane Ouattara  dit prendre acte de cet acquittement et les invite à rentrer au bercail, non sans les rassurer sur les conditions de leur retour au pays. 

Une situation qui rappelle celle du Burundi

Le Burundi et la Côte d’Ivoire partagent un passé pour le moins trouble. C’est notamment, les violences post ou pré-électorales. Si en 2010 le Burundi a été un tout petit peu épargné par rapport au pays de Didier Drogba, il faut dire que ce ne sera pas le cas en 2015. Ici, le moment électoral a été tout sauf apaisé. Comme en Côte d’Ivoire, des gens ont péri, d’autres ont fui. Comme en Cote d’Ivoire, des acteurs politiques n’ont cessé et ne cessent encore de se jeter du tort. Comme en Côte d’Ivoire, des poursuites judiciaires ont été engagées à l’endroit de certains acteurs politiques. 

La seule différence, c’est l’intervention de la justice internationale qui s’est saisie du dossier ivoirien. Au Burundi, si la démarche dans ce sens a été amorcée, il faut dire qu’elle n’a pas pu aboutir jusqu’à maintenant. D’ailleurs Gitega finira par se retirer de la CPI, compliquant par-là la possibilité de cette  cour d’intervenir dans les affaires d’un Etat qui n’en est plus membre. 

La différence, c’est également ce point que vient de marquer Ouattara avec cette main tendue. Il est vrai, les deux hommes, Gbagbo et Blé Goudé sont acquittés mais ils ont toujours des problèmes avec la justice de leur pays. Cette main tendue est donc salutaire pour la réconciliation des Ivoiriens. Au Burundi, si la justice internationale n’en est pas encore au chapitre des poursuites judiciaires, Gitega n’a pas attendu. Dans le sillage du contentieux électoral de 2015, il poursuit un certains nombreux d’acteurs politiques, militaires et de la société civile. Depuis, des mandats d’arrêt ont été lancés contre eux. Certains sont d’ailleurs déjà condamnés

Monsieur le président, inspirez-vous de Ouattara

A la lumière du geste que vient de poser Ouattara, ne serait-il pas opportun de faire la même chose au pays de Mwezi ? La question mérite d’être posée pour un pays comme le Burundi qui a du mal à se défaire des violences cycliques. Des violences qui ne permettent pas de penser autrement. Un pays où semble couver une autre  « guerre »  n’a-t-il pas besoin de crever l’abcès ? Sans verser dans l’apologie de l’impunité,  ne serait-il pas bien si le patron de #RetaMvyeyi  s’inspirait  de Ouattara pour tendre la main à ses adversaires, ceux-là même en conflit avec la justice ? Par ailleurs, n’est-il pas vrai que ce qui nous oppose est inférieur à ce qui nous unit ? Ivyo dupfa birutwa ivyo dupfana, dit la sagesse rundi.    

 

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Les commentaires récents (1)

  1. Les autorités burundaises ont une position un peu identique à celle des Ivoiriens. Lisez bien dans les lignes vous verrez qu’ils ne s’opposent pas au retour de l’opposition exilée, plutôt le Gouvernement dit qu’ils peuvent tous rejoindre le bercail mais que ceux qui ont commis de bavures doivent s’attendre à ce que la justice fait son boulot.

    Ou bien vous insinuez que le Gouvernement les paye un ticket d’avion pour le retour?

    Le grand problème n’est pas de tendre la main. Mais il faut reconnaître que les histoires d’accord politique conclus entre Gouvernement et opposition ne sont pas toujours pour l’intérêt du peuple.

    Nous avons des véritables fausseurs qui se permettent de négocier des accords de paix et contourner la justice alors que le bas peuple souffre de leurs actes irréflechis.