Le centre neuropsychiatrique de Kamenge (CNPK) qui se trouve au nord de la mairie de Bujumbura, prend en charge les malades mentaux venant de tous les coins du Burundi. Comment fonctionne-t-il ? Quels sont ses défis ? Nous avons visité ce centre et tenté de répondre à ces questions et bien d’autres.
En ce bon matin, le soleil brille sur les dizaines de bâtiments qui se trouvent au sein du CNPK communément appelé « Kwa Le Gentil ». Sur l’un des bâtiments qui nous fait face, dès que nous entrons à l’intérieur du centre, il est écrit « Deus Caritas Est », « Dieu est Amour » : c’est la devise des Frères de la Charité. C’est cette congrégation qui s’occupe de la gestion du CNPK.
Nous continuons vers l’administration. Histoire de signaler notre visite. Nous passons d’abord dans le hall de la réception. Rien ne distingue le CNPK des autres hôpitaux : plein de monde s’entassent dans le couloir qui mène vers la réception. C’est animé. Des médecins en blouse blanche se mêlent aux stagiaires portant un haut de couleur bleu ciel, et bien sûr des malades mentaux.
Nous arrivons dans le bâtiment des Urgences. Alors que depuis notre visite, tout semblait calme, deux hommes surgissent dans l’entrée tenant avec force un patient. Ce dernier hurle, titube, crache en l’air. Le spectacle fait peur. Un médecin qui passe à côté remarque que nous sommes effrayés. Il nous rassure : « Après sa visite aux urgences, il va se calmer. Il est au bon endroit ». Tout d’un coup, un jeune garçon d’à peine 10 ans passe à côté de nous et semble vouloir fuir. Un homme lui barre le chemin. Le petit garçon rebrousse chemin. Il s’arrête un peu plus loin et fixe dans le vide. Comme s’il entendait une voix qui lui murmure quoi faire.
Dans quelques minutes, nous saurons comment le pauvre jeune homme qui n’arrête pas de crier et le petit garçon qui vit dans une autre réalité sont pris en charge par le CNPK.
Un travail à la chaîne
Médiatrice Nsengiyumva est une infirmière psychiatre au CNPK. Elle est chargée du département Nursing, ce dernier s’assure notamment du suivi des malades mentaux à l’intérieur du CNPK. Elle raconte comment un malade mental est accueilli dès qu’il met le pied au sein du centre :« Quand un patient arrive, il est accueilli premièrement à « L’accueil et triage ». Après les formalités administratives, il est soit envoyé au psychologue ou au médecin. Soit au laboratoire d’analyses ou à la radiographie, etc. En gros, on oriente le malade dépendamment des services qui lui conviennent ». Médiatrice Nsengiyumva nous apprend qu’il y a aussi des malades mentaux qui consultent un psychiatre : « Ce sont souvent ceux qui portent des maladies mentales dont les réactions sont invisibles à l’œil nu comme la dépression, etc.».
« Pour les malades mentaux qui manifestent des effets de violence, le CNPK les envoie immédiatement aux urgences psychiatriques. Et dans ce service, le malade est hébergé pour 48 heures », continue Médiatrice Nsengiyumva. Après 48 heures d’hébergement aux urgences, il y a ce qu’on appelle la team multidisciplinaire : « Il s’agit d’une rencontre qui réunit un médecin, un infirmier, un agent social et un psychologue ; ceci dans l’optique de trouver la manière de traiter le malade », explique l’infirmière.
Après, la team multidisciplinaire compile ce qui a été dit, et le malade quitte les urgences. Pour être hospitalisé, si c’est ce qui a été conclu. Il va se retrouver dès lors dans ce qu’ils appellent le « Pavillon ».
« Les malades mentaux ne sont pas tous soignés dans un même endroit »
Il existe plusieurs pavillons selon le diagnostic, le genre et l’état du malade. Il y a le pavillon des femmes, le pavillon A accueille les malades mentaux hommes, très agités; le pavillon B qui s’occupe des malades mentaux hommes moins agités donc pas réellement violents et le pavillon des améliorés qui s’occupent des malades mentaux dont l’état de santé s’est amélioré. « Il faut savoir que tous les malades mentaux ne sont pas soignés de la même façon ni dans un même endroit », explique la chargée du département Nursing.
Et chaque pavillon, au sein du CNPK, a son propre médecin, psychologue, agent social et infirmier. Tous les quatre continuent à suivre les malades. « Ceux qui sont dans « le pavillon des améliorés » ont même le droit de circuler un peu dans le centre, parce que leur état de santé est amélioré », fait savoir Médiatrice Nsengiyumva.
Le CNPK a aussi un autre service, appelé ergothérapie. Ce dernier consiste en la réadaptation des malades mentaux. Cependant, selon Didace Manirakiza, Directeur administratif et financier au CNPK, ce service manque cruellement de moyens pour permettre la rééducation des malades : « Nous aimerions faire appel à l’État et aux bailleurs, afin de nous aider à équiper ce service. Il fait partie des étapes importantes dans lesquelles un malade mental en train d’être soigné, doit passer ».
Médiatrice Nsengiyumva aussi lance un appel. Surtout à l’État, quant au manque d’un personnel qualifié malgré l’existence d’une filière de santé mentale et psychiatrie à l’Institut national de santé publique (INSP). « Nous espérons que l’État peut nous offrir parmi eux, des spécialistes de la santé mentale qui vont venir nous aider ici au CNPK. » Et d’ajouter : « L’État devrait mettre un programme de Master dans la filière de santé mentale et psychiatrie dans le but d’obtenir plus de spécialités car le CNPK et le Burundi en général en a besoin ».
Le jeune homme qu’on a vu au début et le petit garçon devraient traverser toutes les étapes également citées en haut. Nul doute qu’ils guériront. Pour ceux qui rechutent ? Médiatrice Nsengiyumva nous dit qu’ils traversent les mêmes étapes comme un malade qui arrive au CNPK pour la première fois.
Depuis 1990, le centre neuropsychiatrique de Kamenge apporte son soutien aux malades mentaux, malgré les immenses défis auxquels il fait face surtout dans un pays comme le Burundi, où il est encore nécessaire de lever le voile sur la santé mentale. Rappelons qu’en 2018, plus de 67000 consultations de cas neuropsychiatriques ont été enregistrés en 5 ans.