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Cibitoke et ses traumatismes du passé : pas de guérison, sans la vérité

« Qui remet à demain trouvera malheur en chemin », dit un adage. Ce n’est pas en pratiquant la politique de l’autruche que nous sortirons des violences identitaires qui endeuillent le Burundi depuis des lustres. Mais ce n’est pas non plus en se recroquevillant dans son coin et en ressassant le passé que la société burundaise pourra se défaire de cette haine ethnique qui ronge la nation. A Cibitoke, comme ailleurs, cela est crucial pour espérer offrir un avenir meilleur aux générations futures.  

Parler des traumatismes liés au passé et ouvrir la boîte de Pandore ? C’est ce que nous avons expérimenté à Buganda. C’était lors d’un périple qui a conduit une équipe de Yaga, avec le seul but de s’entretenir avec la population d’une problématique très cruciale dans la gestion des traumatismes du passé. Les traumatismes, ce boulet attaché à la jambe du Burundais, comment le casser et avancer pour se défaire de ce passé qui ne veut pas passer ?

En ouvrant les débats, dans la petite salle de la Croix-Rouge de Buganda, les blogueurs ont presque ouvert la boîte de Pandore. Des témoignages, les uns plus tristes que les autres, ont fusé de toute part. A un certain moment, chacun voulait y allait de sa confidence. 

Valéria Ndimuruhongo, une femme de Ruhagarika, se remémore encore les séquelles de son passé douloureux : « Mon père a été tué par des tutsi quand je n’avais que 10 ans, en 1972. Ma mère me répétait toujours qu’il fallait se méfier des tutsi. J’ai grandi avec ce fardeau. Cela m’a rongée pendant des années. Mais avec ce genre de débats, j’ai dépassé cela. Un neveu s’est même marié à une tutsi avec ma bénédiction ».

Cibitoke touché, mais pas coulé

« (…) le parent ne donne que ce qu’il a, ce qu’il est. N’oublions pas non plus que l’enfant imite ce que son parent est ou fait, car il le prend pour un modèle parfait. C’est comme ça que l’enfant hérite des traumatismes liés au passé de son parent », a déclaré Ornella Igiraneza, une habitante de Cibitoke, âgée de 24 ans. 

« Le remède à tout cela est la vérité qui conduit à la compréhension commune de ce qui s’est réellement passé dans le voisinage. Le remède, c’est aussi assurer la culture de la paix à la descendance », a résumé Alex Nibigira, psychologue. 

« Utarika mu nda ugatarura ibiboze », dit un adage rundi. C’est sans doute pour cela que le Chef de Cabinet du gouverneur de Cibitoke incite les gens qui souffrent des traumas liés au passé de parler : « En parler est important pour sortir du cycle de violences que la transmission du passé peut engendrer. C’est pour cela que ce genre de discussions qui viennent d’avoir lieu, est important ».

Justement, si parler est important dans le processus de guérison de la mémoire violente, cela doit certainement être inscrit dans un processus plus inclusif et plus global, favorisant la compréhension commune qui elle-même vise le vivre ensemble. C’est à ce prix-là que nous pourrons offrir aux générations futures un avenir meilleur. 

 

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