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Transmission des traumatismes : comme une ombre qui nous poursuit

Alors que le pays se rétablit tant bien que mal des crises qui l’ont secoué, un amalgame de facteurs retarde le processus de guérison de la société burundaise. Parmi ces derniers, la transmission intergénérationnelle des traumatismes. Pour ce blogueur, elle constitue à la fois une barrière à la réconciliation et un catalyseur pour de nouveaux conflits. 

Au Burundi, même les plus grands activistes pour la guérison des traumatismes changent de discours une fois arrivés à domicile. Cela a de quoi étonner mais ce n’est pas sorcier. Comme le commun des Burundais, eux aussi ont traversé des moments tragiques dans leur passé personnel. Pour certains d’entre eux, la guérison semble impossible, voire impensable. Une peur et une colère persistantes les poussent à s’accrocher au passé. Du besoin de protéger leurs enfants contre le danger se développe un comportement d’hypervigilance qui se transmet d’une génération à une autre.

Résultat ? Une jeunesse qui évolue avec en héritage, un traumatisme dont elle ne sait expliquer les contours. Ils sont malheureusement légion les jeunes qui adoptent une mentalité extrémiste, minés par la discrimination ou l’attribution généralisée des maux à une ethnie, une localité ou un passé. Cela crée une génération craintive, dépourvue de discernement, toujours soucieuse de faire ce qui est « juste » selon des aînés encore marqués par un passé qui a souvent du mal à passer.

Autre époque, même discours

Pendant plusieurs années, des discours ségrégationnistes ont alimenté les conflits et nourri la haine. De ces discours sont nées des étiquettes fallacieuses, assignant à chaque ethnie, localité ou groupe un code de comportement préétabli. Force est de constater que certaines personnes sont encore aujourd’hui sous le coup de ces étiquettes tandis que d’autres, ne correspondant pas à la norme établie, peinent à s’y conformer.

Avec la fin de la guerre, on pourrait croire ces discours révolus. Au contraire. Ils persistent, notamment derrière des boutades qui semblent avoir la peau dure. Il arrive d’entendre des propos extrémistes mais qui passent inaperçus tellement ils se sont taillés une place dans le vocabulaire courant. À titre d’exemple, lors d’une cérémonie de remise de dot, je me souviens du fou-rire de deux dames à un commentaire de l’une d’entre elles: « Agiye mu bagamba turahumiwe » (Elle se marie chez les gens de Mugamba, quelle calamité !). Le problème  avec tout ça est que les propos ne tombent pas dans l’oreille d’un sourd. 

Quand le vin est tiré, il faut le boire

La volonté de briser ce cercle vicieux se fait ressentir chez la jeune génération. Je suis convaincu que c’est à nous, jeunes, de prouver à nos aînés que l’unité véritable est possible. Nous avons souffert, mais nous avons également besoin de guérir de nos traumatismes. Pour y parvenir, nous devons détruire les fondements des préjugés et des peurs en créant une image plus cohésive et détachée des traumatismes du passé. Nous devons nous débarrasser de ces traumatismes « de seconde main » et forger notre propre perspective. Je vois en cela le seul moyen de nous libérer un jour des traumatismes intergénérationnels qui hantent notre pays.

Alors pour cette noble mission, je dis : embrassons l’avenir avec confiance !

 

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