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Consulter un psychologue : pour une victoire de l’être sur le paraître

En 2020, quelqu’un a essayé d’expliquer pourquoi on devrait consulter plus souvent un psychologue. Après l’avoir lu, je suis restée sur ma soif. N’y a-t-il pas lieu de se demander en premier lieu pourquoi bon nombre de Burundais ne consultent pas les psys ?  lgnorance ou simple négligence ? 

Il est normal d’aller se faire soigner pour un rhume, un mal de tête, ou encore une blessure sur la jambe. Les choses se compliquent lorsque le mal être procède de l’état mental. Toutes les raisons sont alors bonnes pour ne pas y aller. Jeanne*, jeune fille de 24 ans a déjà consulté une psychologue. Mais sa famille ne l’a pas vu d’un bon œil. « Tu vas raconter les secrets de la famille à un inconnu ? Sais-tu combien de gens ont de réels problèmes ? Ça va passer, Reka kutwandagaza » (Arrête de souiller notre image). Découragée,  Jeanne a stoppé nette sa démarche.

Jeanne n’est qu’une parmi une multitude. Quand Ella* a avoué qu’elle consulte régulièrement un thérapeute, tous ses collègues étaient étonnés : « None nka wewe ufise ikibazo ikihe kugira urihe uwukwumviriza ? Ni film nyinshi. C’est pour les occidentaux » (Franchement, quel problème te ronge jusqu’à payer quelqu’un pour t’écouter ? C’est l’effet de beaucoup de films. C’est pour les occidentaux tout ça).

Ces deux cas ne sont pas isolés, le psychologue-clinicien Alexis Hatungimana en sait quelque chose. Selon lui, peu de gens viennent chercher de l’aide auprès de professionnels comme lui. Pourquoi cette réticence du grand public ? 

Une confiance ébranlée

Alexis Hatungimana rappelle que la notion de confiance est primordiale pour une consultation psychothérapeutique.  « Comment quelqu’un viendrait-il demander mon aide à cause de son mal être, s’il ne me fait pas confiance ? », demande-t-il. La guerre constitue l’un des pires cauchemars que puissent connaître un pays et ses habitants. C’est une bête qui dévore tout sentiment d’espoir sur son chemin. Et en cela, le Burundi n’échappe pas à la règle. Les cycles de violence qui se sont succédé dans notre pays ont significativement ébranlé la confiance des Burundais.

Avant la guerre, bourreaux et victimes étaient amis, voisins ou encore compagnons. La veille des attaques, les bourreaux buvaient dans le même bol que les victimes. Voir un ami devenir ennemi, du jour au lendemain, détruit  irrémédiablement la confiance. Désormais, ils sont nombreux à penser en ces termes : « Si je lui fais confiance, c’est lui qui viendra me faire mal ». La méfiance s’est imposée comme un choix de la raison. Tout prendre sur soi est devenu la norme.

Bien paraître, à tout prix

« Un drap sale se lave en famille », dit-on. Au Burundi, comme ailleurs, la sauvegarde de la réputation est une affaire importante. Mais à quel prix ? Bien souvent, cette image d’epinal couvre des peines noyées, des traumatismes enfouis.

Selon Alexis, les causes principales à l’origine des troubles psychologiques sont des problèmes liés à l’entourage direct. C’est particulièrement dur d’en parler. La peur d’entacher la  réputation d’un proche peut facilement prendre le dessus. De surcroît, il ne faut pas perdre de vue que les Burundais sont un peuple culturellement conservateur. Garder tout pour soi est une vertu encouragée par tous. 

Le frais de consultation, l’autre problème

Si Jeanne* s’est donné la peine de consulter un psy, elle est consciente qu’il s’agit d’un privilège. Et pour cause, les consultations ne sont pas gratuites.  « Je comprends que les gens puissent être réticents à payer de l’argent, surtout pour un mal dont les symptômes ne sont pas facilement détectables. Payer de l’argent juste parce que ton enfant te dit qu’il est déprimé ? Peu de gens comprendraient ça. De surcroît, dans ce contexte où l’inflation siphonne nos poches. La plupart des gens réservent le peu d’argent qu’ils ont pour les besoins fondamentaux », explique-t-elle.

Néanmoins, chers Burundais, ne négligeons pas le mental. Il vit en nous, avec nous, pour ou contre nous. S’il est perturbé, nous sommes les premiers à en faire les frais, notre entourage ensuite. A bon entendeur…

* : nom d’emprunt

 

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