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Burundi : l’inquiétante montée de la concurrence mémorielle

Si vous êtes connectés ces derniers jours, vous avez sûrement remarqué comme moi que les réseaux sociaux, X en l’occurrence, sont pollués de messages aux relents ethniques. Des messages qui font la part belle à la monopolisation et à la concurrence mémorielle. Une tendance dangereuse qui semble éloigner la compréhension de la souffrance de l’autre. 

« ll y a une montée incroyable des extrêmes sur les RS, …”. C’est l’étonnement d’un collègue qui constate la montée en puissance des discours aux odeurs ethniques qui se partagent comme de petits pains sur x, l’ancien Twitter. Et il n’est pas le seul à faire ce constat. Car, tout observateur avisé et connecté a certainement fait ce constat. Des revendications (de toutes les ethnies) de la souffrance sont manifestent sans complexe et un débat sur qui a « commencé »   reviennent de plus belle.  Est-ce un signe d’une libération de la parole qui serait donc à saluer ? Ce n’est pas sûr, à ce qu’il paraît.  Nos cher.e.s internautes semblent verser dans la concurrence mémorielle, balayant du coup  la reconnaissance de la souffrance de l’autre. Si c’est une bonne chose que le débat sur le passé soit tenu dans les espaces publics et que cela permette la libération de la parole, peut-on se réjouir quand des gens se mettent à monopoliser la souffrance ?  Difficile de parler d’une parole qui se libère, mais plutôt d’un « Eux et Nous ». Eux qui nous ont massacré et Nous qui sommes victimes.

Mais pourquoi est-ce toujours difficile   pour un Burundais de se détacher de son groupe et de poser un regard objectif sur notre passé ? Le sociologue Désiré Manirakiza a une explication qui part du constat que les   intellectuels burundais sont subjectifs face à notre passé. Pour lui, ces derniers sont en réalité des Burundais façonnés   par l’environnement pollué par l’ethnisme dans lequel ils ont été socialisés.  Et le sociologue de continuer qu’au Burundi, dans l’imaginaire collectif d’hutu, il n’y a de tueurs que de tutsi et dans l’imaginaire collectif de tutsi, il n’y a de tueurs que d’hutu. Cela a comme conséquence l’érection de mémoires parallèles et une société polarisée.

Cette explication pourrait bien s’appliquer au reste des Burundais, aux internautes, ceux sur x en l’occurrence dont certains d’entre eux sont d’ailleurs des intellectuels ou se revendiquent comme tel.

Nul n’a le monopole de la souffrance

Comme on le voit, on a en face de nous une revendication décomplexée du monopole de la souffrance qui, malheureusement, n’épargne pas les jeunes. Ces derniers, par le biais de la socialisation et de la transmission intergénérationnelle des mémoires, se dressent aussi en partisans de Eux contre Nous.

Etonnant et inquiétant en même temps dans un Burundi où tout le monde a perdu une parenté pendant les moments de crises. Ou pour le dire autrement, si l’on s’en tient aux dates symboliques de l’histoire du Burundi (1965,1972,1988,1993…), le constat est clair. Tous les groupes (pour ne pas dire ethnie) ont été affectés. Des gens ont vu les leurs se faire massacrer à cause de leurs identités. Des identités qu’ils n’ont pas choisies, mais qui se sont révélées meurtrières pour paraphraser Amin Maalouf.  Comment dès lors prétendre que l’on a souffert plus que l’autre alors que l’on a tous été affecté par la folie meurtrière ?

« C’est notre regard qui enferme souvent les autres dans leurs plus étroites appartenances, et c’est notre regard aussi qui peut les libérer ». En grattant ce papier, je me suis mis à relire Maalouf et j’ai trouvé ce passage intéressant et opportun dans notre cas. Au lieu de nous enfoncer dans une dangereuse monopolisation de la mémoire ou de concurrence mémorielle, et si nous posions un regard libérateur qui reconnaît la souffrance de l’autre ?

 

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Les commentaires récents (1)

  1. Pour moi je vois pas d’ailleurs pourquoi on discute sur ça. Normalement on devrait en discuter pour essayer d’en trouver une solution durable mais contrairement à ce qui se fait, on discute pour nous jeter des torts, ou pour nous accuser de meurtrier. Alors où est ce que cela nous amènera? Nous devrons comprendre nous tous que notre passé a été tellement mauvais et horrible qu’on essaie à ce qu’il ne se reproduise pas. Mais malheureusement on ne le comprend pas. Alors les questions qui se posent qui était sensé mourir? Qui est mort parce qu’il le méritait? Qui n’a pas perdu son sien?. Toutes ces questions montrent que sans que nous ayons besoin de nous venger, il faudrait plutôt valoriser une personne telle qu’elle est sans tenir compte de son ethnie, si quelqu’un a été victime d’un conflit ethnique soit il, prend le comme une victime. Y’a pas une personne à scander parce qu’il a tué ou parce qu’il s’est vengé. Prenons le crime tel qu’il est, appliquons la loi telle qu’elle est tout en étant indifférent de l’appartenance de l’auteur et la victime. Pour clore j’aimerais demander à mes chers frères et sœurs d’abandonner cet esprit égoïste qui nous caractérise car c’est à travers cet esprit que certains d’entre nous on se dise que nous sommes des saints, que plutôt nous avons été tués tous ça en pointant le doigt à l’autre groupe. Sachons que dans toutes les parties il en a des innocents comme il peut y avoir des non innocents. Pour cela, abandonnons toutes ces histoires qui ne nous servent à rien pour construire notre avenir meilleur qui est caractérisé par une cohésion et harmonie sociales.