Ce 2 mars, le Burundi s’est abstenu de voter la résolution de l’ONU qui exige que la Russie cesse immédiatement de recourir à la force contre l’Ukraine. Une décision sage ? Voici trois points pour comprendre.
À l’heure du conflit Russie-Ukraine, voter la résolution de l’ONU signifierait prendre position sur l’échiquier international. Et le Burundi, comme d’autres pays du monde, a été contraint de prendre cette position. Un choix difficile ? Oui. Cette résolution, pilotée par l’Union européenne, était un couteau à deux tranchants.
En votant « oui », le Burundi risquait d’une part d’entacher son amitié de longue date avec la Russie : la présence du Burundi au premier sommet Russie-Afrique en 2019 le montre très bien. D’autre part, en votant « Non », il risquait aussi d’entacher de nouveau ses relations avec l’Union européenne, alors que la relation est encore fraîche.
Alors, qu’est-ce qui restait si ce n’est l’abstention ? Voici trois points pour comprendre.
Retourner l’ascenseur à la Russie
La Russie de Vladimir Poutine est un pays ami du Burundi. Et d’ailleurs, cette amitié est palpable. En 2015 et 2016, la Russie, tel un bon parrain au sein du conseil de sécurité de l’ONU, a bloqué via son droit de veto, plusieurs résolutions sur le Burundi. Avec cette abstention, à défaut de voter oui, le Burundi vient de lui remettre l’ascenseur.
En plus, par cette abstention, le Burundi n’aimerait pas perdre les investissements directs étrangers et les avantages en provenance de ce pays. Citons la coopération militaire, les entreprises russes Tanganyika LismaLighting Innovation et le Tanganyika Mining Burundi, les quarante bourses d’études par an pour ses étudiants, et l’accord d’exemption de visas pour les détenteurs de passeports diplomatiques et de service.
Ne pas tourner le dos à l’UE
Ce n’est un secret pour personne, le Burundi a beaucoup peiné avec la rupture de sa coopération avec l’UE. La levée de sanctions a été accueillie avec liesse et sympathie envers les occidentaux. Ayant peiné pour arriver à la levée de ses sanctions et la reprise de l’aide de l’UE, le Burundi ne pouvait pas badiner à foutre en l’air son partenariat avec l’UE, avec un vote qui ne lui fait rien gagner sur l’échiquier international, au risque de blesser ou offenser son premier partenaire économique qui finance une part importante de son budget. D’où une abstention justifiée, et jugée sage par nombreux internautes burundais. Et d’ailleurs, le dicton burundais le dit bien « Kirazira gutoba isoko » (il ne faut pas troubler la source d’eau qui t’abreuve).
Ménager la chèvre et le chou
Une chose est sûre. Cette abstention en est une preuve tangible qu’en relations internationales, les pays adaptent leurs relations selon le paysage politique et leurs intérêts. Le Burundi, en ménageant le chou et la chèvre dans ses différentes coopérations, s’offre une échappatoire de se garder des possibilités de tractation d’un bloc à l’autre. Donc, c’est par prudence que le pays de Ndayishimiye ne veut pas s’immiscer d’un côté comme de l’autre.
Les dictons burundais « n’ukuvomera zose ntawumenya uruzokwama kare » (il faut arroser toutes les plantes, on ne sait pas celui qui fleurira en premier), « Ibitakuraba uraba hasi » (il faut regarder par terre pour ce qui ne te regarde pas), « abatanganya amatako ntibisigira hamwe » (il ne faut pas jouer dans la cours des grands quand on est petit) et « uwufise umutwe muto awurinda uruguma » (celui qui a une petite tête la protège des blessures) expliquent très bien cette décision du Burundi.