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Filière thé : une hausse du prix dérisoire pour les producteurs

Même si l’Etat a augmenté le prix du thé au producteur de 30 BIF le kg, les théiculteurs ne sont pas satisfaits. Certains préfèrent abandonner la culture de thé au profit d’autres cultures plus rentables. Par ailleurs, la quantité exportée de thé va decrescendo. Reportage.  

On est au mois de septembre. Je décide d’aller voir les théiculteurs de Mugamba. Une petite tournée nous mène sur les collines Buhoro de la commune Mugongomanga, Kanyunya de la commune Mukike et Mukonko de la commune Nyabiraba. Un petit vent glacial nous rappelle que nous sommes bien dans le Mugamba. La place du marché de Kizunga de la Commune Mukike est déserte. Ce n’est pas le jour du marché. La saison sèche semble avoir paralysé presque toutes les activités champêtres dans cette région montagneuse où l’irrigation est quasi inexistante.  

La région aurait perdu toute sa verdure n’eut été la culture du thé. La seule culture d’exportation pratiquée dans cette région. Elle rapporte un peu de revenus aux producteurs, ce qui semble avoir découragé les théiculteurs. 

Une bonne nouvelle a été récemment annoncée par le ministre de l’agriculture. La hausse du prix au producteur du thé. Le prix d’un kg de feuilles vertes est passé de 250BIF à 280 BIF.

A côté de son champ de thé, Karori prépare le terrain. Il laisse derrière lui un nuage de poussière. Il veut y planter de la pomme de terre. Le moins que l’on puisse dire, c’est que la mesure du ministère de l’agriculture de hausser le prix ne le rassure pas. « La hausse de 30 BIF par kg est dérisoire. Cette somme n’achète rien », se désole Karori. D’après cet habitant, l’Etat a abandonné cette culture.

La culture du thé n’est plus rentable

 En comparaison avec d’autres produits, les feuilles vertes de thé sont moins chères au Burundi mais difficile à produire. Karori s’explique. Un kg du sel s’achète 1000 BIF, un kg du maïs coûte 1000 BIF et celui du haricot se vend 1400 BIF.  « Nous n’y gagnons rien. La production du thé demande beaucoup d’effort. Même la cueillette demande beaucoup d’efforts. Personne ne peut cueillir 10kg par jour alors que celui qui travaille dans les champs est rémunéré 3000 BIF par jour. Et il ne travaille que 8 heures », se plaint Karori

Le jeune homme ne cache pas son désarroi. « Nous pratiquons la culture du thé parce qu’il n’y a pas d’autres alternatives », souligne-t-il.  Par exemple, sur une superficie d’un demi-hectare, ce cultivateur ne peut pas dépasser 200 kg de thé en trois mois, soit 50 mille BIF.

Or, sur la même superficie, Karori fait savoir qu’il y a planté les pommes de terre au début de l’année 2020. Les précipitations ont été bonnes. Après 3 mois, il a récolté 1000 kg, soit 1 million BIF. « Après avoir payé toutes les charges d’exploitation, j’ai empoché 500 mille BIF », indique-t-il, tout cela pour expliquer que la culture du thé n’est pas plus rentable. 

Un passant interrompt notre conversation. C’est Marc, son voisin. Ce dernier n’est pas non plus optimiste quant à la culture du thé : « Certains ont déjà commencé à arracher les théiers. N’eut été l’intervention de l’administration, ce mécontentement aurait fait tache d’huile ».

D’après lui, la culture du thé n’est plus une source de revenus sûre. « Je me suis reconverti dans la culture des légumes. C’est rentable.  Un seul chou s’achète 300 BIF. En trois mois, je peux récolter plus de 500 choux ».  Sa femme qui s’occupe du thé n’encaisse que 20 mille BIF en deux mois.

La quantité exportée va decrescendo

Selon les données récemment publiées par l’ISTEEBU, au deuxième trimestre 2021, le thé a été le premier produit d’exportation. 2372,6tonnes ont été exportées. Ce produit a rapporté plus de 8 milliards de BIF. En comparaison avec le premier trimestre, le revenu tiré de l’exportation du thé a diminué. Il est passé de 12 à 8 milliards BIF, soit une baisse de plus de 33%.  

Quant aux données de la banque de la République du Burundi, elles indiquent que durant les cinq dernières années, la quantité de thé exportée ne cesse de diminuer. Elle est passée de 11 145,1 tonnes en 2015 à 10 080,5 tonnes en 2019, soit une diminution de 9,5%.

Les revenus d’exportation ont suivi la même tendance. De plus 53,6 milliards BIF en 2015, ils sont passées à 40, 6 milliards BIF en 2019, soit une chute de 24,2%.  

Pour booster cette culture d’exportation, il faudra augmenter significativement le prix au producteur. C’est seulement cela qui pourra encourager les théiculteurs. Cela est d’autant plus vrai que depuis le début 2020, le thé constitue une des principales sources de devises.

 

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