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Éviter la guerre, mais à quel prix ?

Je suis de ceux qui rêvent encore d’un Burundi où chaque citoyen, peu importe sa formation ou son statut, peut donner son avis sur toute question nationale ou étaler ses inquiétudes sans avoir peur d’être étiqueté puis jugé et traité de tous les noms. Certes, nous vivons une situation explosive. Mais comme les autres peuples qui se sont livrés des guerres atroces dans le passé, notre peuple doit se réconcilier avec lui-même et retrouver la joie de vivre ensemble. Cette réconciliation ne sera possible qu’en privilégiant le dialogue et la lucidité.

Le blog de Jean-Marie Ntahimpera, je l’ai lu et relu avec grand intérêt. Éviter la guerre, tel est le message principal véhiculé dans ce texte. C’est le vœu de tout le peuple burundais, mais la proposition accompagnant ce message n’a pas plu à certains. Par conséquent, son auteur a été la cible d’une tempête de critiques, certaines plus désobligeantes que d’autres.

Faudrait-il, au nom de la paix, laisser cette situation d’injustice perdurer ?

Mon cher Jean-Marie, je ne vais pas être de ceux qui préfèrent rester neutre pour être pris pour des sages. Je m’oppose à votre proposition, tout en la respectant car je sais qu’elle est guidée par une volonté que je partage avec vous. Aucun burundais doté d’un minimum de raison ne voudrait revivre la guerre. Nous savons ce qu’elle nous a pris et ce qu’elle nous a laissé. Elle nous a privé des nôtres et laissé des blessures profondes qui ont du mal à se cicatriser. Mais, pouvez-vous me dire ce à quoi il faut s’attendre si nous avons en face de nous des personnes qui la préparent ? Qui est belliqueux entre les manifestants, armés certes de cailloux mais surtout de mouchoirs blancs en signe de paix, et les forces de l’ordre tirant à balle réelles avec leurs kalachnikovs ?

« Ce pays sera ce que nous aurons voulu qu’il soit », disait le Prince Louis Rwagasore. Des cas de violation des droits de l’homme sont devenus légion. Il y a des personnes qui entretiennent une milice, qui menacent et forcent des journalistes ou opposants à l’exil, qui terrorisent des citoyens ! Faudrait-il, au nom de la paix, laisser cette situation d’injustice perdurer ? Je ne pense pas. Nous aurions plus à y perdre qu’à y gagner.

Pourquoi se battre ?

Ces jeunes gens qui manifestent dans les rues ne cherchent pas à être des martyrs. Un bon nombre d’entre eux sont en train de le devenir sans l’avoir demandé. Ils ne se battent pas non plus pour prouver quoi que ce soit, mais pour défendre une cause et des valeurs qui en valent la peine. Les hommes écrivent eux-mêmes leur propre histoire, parfois dans le sang et dans la brutalité. Je pense que c’est exactement ce qui est en train de se passer au Burundi.

Aujourd’hui, quelques-uns d’entre nous mourront, mais pour eux et pour le futur, nous continuerons le combat.

Dans votre blog, Jean-Marie, vous dites que « si les manifestations continuent, la dictature risque d’être féroce…et qu’au bout du compte nous nous retrouverons en train d’enterrer d’autres victimes mortes pour rien ». Ce que vous semblez ignorer, c’est que l’arme de l’oppresseur est la peur de l’opprimé. Les Barundi d’aujourd’hui font face à leur destin. Il est important que nous sachions que nous ne nous ferons jamais respecter par notre oppresseur en nous soumettant. En tant que Murundi, et ça n’engage que moi et ceux qui me ressemblent, je refuse d’être cet opprimé qui préfère le rester par peur de la fureur de l’oppresseur. Voyez-vous, Jean-Marie, en nous résignant à accepter cette candidature qui viole nos lois, nous devenons complice de ce crime, un crime qui nous réduit à des esclaves du système nous opprimant et nous forçant à l’exil.

Ce qui se passe au Burundi dépasse le cadre national. Le silence des pays voisins subissant pourtant des vagues de réfugiés, la timidité de l’East African Community et l’embarras de l’Union africaine prouvent qu’une nouvelle histoire est en train d’être écrite et tous les yeux sont braqués sur nous. Tout comme au temps du vent des indépendances, la liberté d’un peuple inspirait un autre. En ce moment, cette flamme de la liberté brûle pour le Burundi. Aujourd’hui, quelques-uns d’entre nous mourront, mais pour eux et pour le futur, nous continuerons le combat.

Gouverner est un privilège qu’il faut mériter

Accéder à la fonction de Chef suprême est une chose, savoir l’exercer pour l’intérêt général en est une autre. Si nous voulons bâtir notre nation pour le futur, il faut la construire sur des fondations solides : les lois du pays et leur respect.

Il est important que le chef de l’État d’aujourd’hui et ceux à venir retiennent que gouverner à la destinée du Burundi est un privilège qui leur a été accordé et que si ce privilège s’acquiert par la voie des élections, il se mérite aussi. Enfin, durant leur mandat, il faudra qu’ils se rappellent qu’un jour ils devront quitter le pouvoir.

Mon cher Jean-Marie, croyez-moi, je suis sérieux, posé et réfléchi. Selon moi, le président Nkurunziza ne mérite plus ce privilège. Il n’est plus un leader qui défend une cause – le bien-être de la population burundaise –, mais sa cause. Il porte le statut de Père de la nation, mais pourriez-vous me citer une seule fois où il est allé voir des manifestants hospitalisés, où il a prononcé un discours de condoléances dans une messe d’adieu d’un manifestant tombé sous les balles de la police ? De plus, il n’a jamais envoyé un de ses ministres pour montrer à la famille en deuil que son gouvernement lui présente ses condoléances.

Que toute personne lisant cet article et étant en désaccord avec mes propos me contredise par des arguments au lieu de me traiter de quelqu’un manquant d’intelligence.

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