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Décrocher une bourse d’études : le parcours du combattant

Les étudiants burundais sont nombreux à faire la chasse aux bourses d’études à l’étranger. Mais beaucoup pestent contre certaines procédures administratives qui rendent le processus particulièrement long, complexe et fastidieux. Gilbert et Didier (noms d’emprunt) ont investi ce labyrinthe et nous relatent l’expérience d’une démarche soumise à rude épreuve.

6e au niveau national à l’Examen d’État édition 2010, avec mention Grand Fruit, Didier figure sur la liste des bénéficiaires des bourses d’Excellence octroyées par l’Egypte, à l’Université d’Alexandrie-Damanhour. Quant à Gilbert, ingénieur industriel de l’INITELEMATIQUE, il s’essaie à un mastère en TIC lancé en septembre 2017 par l’Université d’Abomey-Calavi (Benin), une bourse financée par la Banque Mondiale. Ils témoignent.

La course aux documents

« Le chrono pour les candidatures est enclenché pour deux semaines. Je plonge dans la pêche aux attestations de service, lettres de recommandation, bulletins, diplômes, rendez-vous médicaux, passeport, certificat de nationalité, etc.…», confie Gilbert. Alors qu’il travaille à Gitega, il se retrouve à parcourir trois provinces et à tournoyer au commissariat de police, à l’Office Burundais des Recettes, à la Mairie, au Rectorat, chez le Notaire ou chez le chef du quartier pour rassembler tous les documents.

Pour Didier, presque la même expérience. « Le téléphone sonne. Je décroche à la première sonnerie. C’est le bureau des bourses d’études et de stages. On me dicte la liste des documents à fournir illico (le dépistage du VIH/SIDA inclus », raconte  le jeune boursier. « Déposez les documents sur cette table, vous reviendrez les récupérer après une semaine », tel était le credo que lui récitent les secrétaires. Y a-t-il de maison qui brûle chez elles ?

Quant à notre ami Gilbert, tic-tac, la date butoir approche à pas de géant et sa candidature risque d’en pâtir. Pour avoir des documents administratifs au Burundi, c’est un parcours du combattant. « J’éprouve le besoin ultime de zapper cette saga de procédures, mais ce sont les administratifs qui tiennent toujours le meilleur bout du fil.  Un plan B me fut proposé deux fois par les hommes en bleu. Enfin un moyen d’éviter le diktat de la bureaucratie ? Service ultra rapide, récompense ultra secrète.  Et vous, qu’auriez-vous fait ? », nous prend-il à témoin.

Le verdict…

Musique, bières, brochettes de chèvres « vaccinées », et puis des valises qui se bouclent, selfie, rires et pleurs, etc., Gilbert s’apprête à embarquer à bord du Kenya Airways. Mais avant la dernière embrassade, il a aussi dû faire un choix. L’entreprise pour laquelle il a passé  des années à grimper en haut des poteaux et à veiller la nuit lui a refusé une mise en disponibilité… Il décide alors de passer le cap, range ses grimpettes et rédige sa lettre de démission. Sa candidature en aurait sûrement pris un coup s’il postulait pour les bourses du programme ARES en Belgique car ce document fait partie du lot.

Hélas, Didier n’a pas pu franchir la ligne d’arrivée dans cette course aux bourses. Mohamed Bouazizi décide d’allumer la flamme de la révolution au moment où Didier s’apprête à s’envoler pour Alexandrie.  La rage gagne vite l’Egypte et les rêves de Didier passent à l’ombre. « Du Ministère de l’Enseignement Supérieur à celui des Relations Extérieures (Direction Afrique-Asie), l’argument ultime qu’on nous répétait était le même : la crise au cœur du Caire. De quel poids pouvaient peser nos doléances face au printemps arabe ? », s’interroge-t-il.

Essoufflé, désemparé, Didier reste au pays et le destin le boute hors de la Faculté de Médecine. Il intègre le département d’histoire et en sort Major de la promotion. Battu mais jamais abattu, il compte pousser plus loin le curseur vers d’autres bourses d’Excellence. Direction : La Tour Eiffel.  Aura-t-il une main chanceuse cette fois?

 


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