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Cyprien Ntaryamira : un survivant désigné contre toute attente

Le 07 avril 2024, pendant que le Rwanda commémorait le 30ème anniversaire du génocide contre les tutsis, le Burundi se remémorait la disparition du président Cyprien Ntaryamira. Retour sur son accession surprise à la présidence du Burundi.

Après l’écrasante victoire du Frodebu en 1993, rien ne présageait que ce brillant ingénieur agronome deviendrait le successeur du président élu Melchior Ndadaye. Incontestablement, leurs parcours étaient presque identiques. Réfugiés au Rwanda à leurs jeunes âges, militants dans les mouvements estudiantins progressistes en exil comme UBU et BAMPERE, les deux étaient retournés au Burundi en 1983. Seule certitude : Cyprien Ntaryamira fut un militant de la première heure du Frodebu et un fidèle lieutenant du président Melchior Ndadaye. 

Bien qu’il ne soit pas un ovni politique, au regard du schéma constitutionnel de l’époque, on était loin de se douter qu’il sera son successeur. En effet, le président Ndadaye avait confié le portefeuille de l’agriculture et de l’élevage au natif de Mageyo. Pour la petite histoire, cette localité, située dans la province de Bujumbura, est réputée pour ses produits maraîchers. Parait-il que feu Ntaryamira aurait joué un grand rôle dans le rayonnement de l’agriculture de sa zone natale.

Or, en cas de vacance de poste, le président de l’Assemblée nationale ou son vice-président reprenait les commandes. Mais cela, c’était avant que le coup d’état sanglant du 21 octobre 1993 ne décapite les institutions élues, en éliminant tous les prétendants au poste de président de la République. Un scénario jamais envisagé par la constitution de 1992. 

Aux USA, par exemple, la constitution préconise qu’en cas de catastrophe, d’attentat ou de tout autre événement provoquant la mort ou l’incapacité de gouverner des principaux représentants de l’État, le pouvoir exécutif américain ne resterait pas vacant. Il prévoit que le président nomme une personne qui doit rester sous protection et en un lieu sûr pendant le discours annuel de l’état de l’union ou la cérémonie d’investiture présidentielle : le survivant désigné. La raison est que ces cérémonies rassemblent en même temps tous les successeurs constitutionnels du président.

Qui alors pour succéder au président assassiné ?

Une fois le putsch avorté, le remplacement du président Ndadaye allait donner du fil à retordre à la classe politique de l’époque. Néanmoins, un rafistolage institutionnel sera trouvé. Logiquement, son successeur devrait provenir du Frodebu. Deux personnalités se dégageaient des frodebistes. A savoir Sylvestre Ntibantunganya et Léonard Nyangoma, respectivement ministre des Affaires Etrangères et ministre de la Fonction Publique et du Rapatriement des Réfugiés sous la présidence de Ndadaye. 

Une lutte acharnée entre ses deux camps était ouverte. Et aucun consensus ne put les départager. Selon l’écrivain Marc Manirakiza, après avoir constaté cette impasse, Ntibantunganya aurait proposé son désistement, à condition que Nyangoma fasse pareil au profit d’un autre candidat pouvant recueillir l’adhésion de tout le monde. Le concerné a, quant à lui, une autre version. Pour Ntibantunganya, une forte opinion s’attendait à ce qu’il soit le prochain président. Mais il s’est désisté pour des raisons de convenance personnelle, lors d’une réunion du comité exécutif du parti, du 20 décembre 1993. Selon ses dires, il voulait se consacrer au parti.

C’est dans ce contexte que Cyprien Ntaryamira devint candidat unanime du parti Frodebu pour succéder à Melchior Ndadaye. Le 13 janvier, l’Assemblée nationale l’a élu à 100 %. Le 05 février 1994, lors de la troisième célébration de la fête de l’Unité nationale, Cyprien Ntaryamira prêta serment comme quatrième président de la République du Burundi. Dans son discours, il promit d’œuvrer pour la restauration de la discipline dans toutes les institutions du gouvernement. Hélas, il n’aura pas le temps de réaliser son vœu. Deux mois plus tard, il décéda dans un attentat contre l’avion qu’il le transportait, lui et le président rwandais Juvénal Habyarimana, à l’aéroport de Kanombe à Kigali. Ironie du sort : Cyriaque Simbizi, son ministre de la Communication, également rédacteur du discours de son investiture, périra avec lui.

 

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