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La culture, frein à la mémoire collective au Burundi ?

Le peuple burundais s’est forgé une large sagesse commune considérée comme instrument de support à la vie sociale. La culture burundaise qui se manifeste dans les contes, les adages et les expressions artistiques, a toujours eu une très grande influence sur le vécu quotidien des Burundais et plus particulièrement sur la construction de la mémoire tant collective qu’individuelle. En quoi la culture, constitue-t-elle la limite à la construction mémorielle au Burundi ? Notre blogueur nous en donne la lumière.

La vérité a une place incontournable dans la culture du Burundi. Pourtant, les crises cycliques qui ont endeuillé notre pays s’appuyaient sur le mensonge et les préjugés pour discriminer, torturer, et tuer les gens de telle ou telle autre ethnie sans toutefois interroger la vérité des faits. Les Burundais disent ukuri guca muziko ntigusha pour signifier que la vérité est inébranlable et résiste à tout. Malheureusement, les composantes ethniques au Burundi interprètent la vérité des faits selon leurs appartenances ethniques : Les Hutu ont leur propre vérité, les Tutsi aussi. Ce qui constitue un grand obstacle à la mémoire. 

Croyance à l’imizimu

La mémoire pourrait aussi être limitée par notre croyance en la survivance des morts. Au de-là de la mort « quelque chose de nature spirituelle (umuzimu) survit et possède la capacité de nuire à sa famille ou de la protéger selon que les relations entre les deux sont mauvaises ou bonnes ». Les Burundais ont cette croyance que même celui qui a ensorcelé quelqu’un ne participe pas à ses funérailles ; on avait l’habitude d’insulter le présumé coupable de Arakaguhumira, azobahumira. (il te portera malheur). Donc si vous n’êtes pas en bons termes avec quelqu’un ou si vous avez participé à son exécution, il y a dans l’esprit que son « umuzimu » vous poursuivra.

Ainsi, il y a cette tendance de ne pas faire mémoire. Les présumés auteurs ont tout fait pour décourager des initiatives allant dans ce sens selon l’adage burundais ntakuzura akaboze (il n’est pas bon/nécessaire de déterrer ce qui a été enterré/ce qui est pourri). Au fond, il y a cette croyance que l’esprit de celui qui est mort leur portera malheur et les poursuivront (bazobahumira, bazogukurikirana) ce qui fait d’ailleurs qu’on interprète dans ce sens tous les malheurs qui leur arriveront.

Entre honte et vengeance

Du côté des victimes des guerres civiles, d’une part, elles peuvent nourrir un sentiment de vengeance encouragé par des proverbes rundi comme uwugututse ntumusubize akwita ikiburamunwa (si tu ne rends pas l’injure par une autre, on dira que tu n’as pas de bouche). Mais de l’autre côté, ces victimes sont terrassées par un sentiment de honte en se disant que quand ils pleurent pour les leurs, les présumés auteurs se moqueront (bazoba bihaye amenyo y’abatwenzi). Et certains proverbes semblent clarifier cette situation en ces termes : urupfu uruyagira utabuze ukaba umenye ibanga (parler de la mort à celui qui n’a jamais perdu un membre de sa famille, c’est déverser par terre un secret à garder pour soi). Nous le voyons chez des familles qui ont choisi, malgré les traumatismes, de garder le silence des leurs disparus et qui n’ont même pas voulu faire la levée de deuil définitive. Ce silence est toujours hypocrite, car il cache un passé lourd qu’on ne veut pas dévoiler et devient toujours obstacle à la mémoire. Alors qu’on espérait que c’est par la révélation de la vérité qu’on parviendra à réhabiliter et à honorer les victimes.

Bref, la construction de la mémoire collective devrait être le fruit d’un dialogue entre le gouvernement, la société civile, et les spécialistes (les historiens, les journalistes, les professeurs, les artistes, etc.). Et ce dialogue devrait être sujet à des changements de perspectives, plus ou moins radicaux, découlant de nombreux facteurs et surtout culturels qui sont déjà incarnés dans le vécu de notre société burundaise et qui demandent certaines réadaptations.

 

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