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Comprendre la pénurie du carburant en quatre points

Depuis un certain nombre d’années, le Burundi vit au rythme de pénuries de carburant. Les conséquences qui en découlent sont nombreuses et affectent, de plein fouet, les Burundais. Comment comprendre cette récurrente pénurie? Eléments de réponse. 

« Nous avons dû jeter les viandes à notre disposition parce qu’on n’arrivait pas à trouver du carburant pour alimenter le groupe électrogène », « Ça fait déjà 3 jours que je fais la queue à cette station-service à la recherche du carburant, mais en vain », « Nos enfants dorment souvent le ventre creux, faute d’argent pour leur acheter de quoi manger du fait du manque de carburant ». 

Ces lamentations, vous les avez sans doute déjà entendues ces derniers jours. Face à une pénurie de carburant qui ne veut pas s’estomper, ils sont beaucoup de Burundais à vivre le calvaire. Mais comment comprendre cette pénurie qui devient de plus en plus récurrente ?

Monopole ?

 En regardant la liste et le pourcentage des importateurs du carburant, l’on peut vite constater qu’il s’agit d’un monopole de fait. Selon les chiffres fournis par un acteur du domaine, en 2022, les six sociétés importatrices du carburant ont bénéficié de 16 500 000 USD de la part de l’Etat. L’Interpetrol prend la tête avec 10 millions de dollars américains. Delta occupe la deuxième position avec 1,5 million USD. BUPP, YOC, ont reçu chacun 1,5 millions. PRESTIGE, un nouvel acteur dans le domaine, a eu 2 millions de dollars.

Pour notre source, ce monopole de fait comporte des risques, « lorsque par exemple l’argent alloué à l’importateur principal sert à autres choses qu’à  importer le carburant »

Les devises, une denrée rare, vraiment ?

A la lecture des statistiques de la BRB, les devises sont devenues insuffisantes   à la suite de la crise de 2015. Depuis, les réserves sont allées en decrescendo, compliquant  ainsi l’importation des produits, dont les plus stratégiques comme le carburant. Dernièrement, le président de la république, dans une conférence de presse l’a même reconnu. 

En effet, en 2014, ces réserves étaient estimés à 180 476 millions de dollars pour retomber  dans le négatif  en 2021, c’est-à-dire à -322 600,5 millions de dollars. Ceci alors que l’économiste Faustin Ndikumana note que les besoins en importation du carburant sont globalement estimés à environ 200 millions de dollars annuellement. 

Cette quantité de devise est-elle difficile à collecter ? Difficile à répondre. Mais s’il est vrai que le Burundi exporte peu, les sources de devises pour s’approvisionner en carburant peuvent être variées pour un produit aussi sensible. Les projets des partenaires, les dividendes issus des contributions au maintien de la paix à l’extérieur du pays, etc. constituent autant de sources en devises qui pourraient être priorisées aussi pour l’importation du carburant qui ne demande qu’à peu près 200 millions de dollars. 

Le stock stratégique toujours absent  

Sur le banc des accusés, Gabriel Rufyiri, président de l’Olucome parle aussi de la problématique du stock stratégique du carburant. C’est l’arme des autres pays quand une pénurie se pointe. Il permet de tenir en attendant le prochain approvisionnement. Au Burundi, ce stock est certes prévu, mais son approvisionnement ne suit pas.  A titre illustratif, dans le budget 2021-2022, 3 milliards 800 millions de Fbu étaient prévus pour alimenter ce stock. Et sur  celui de 2022-2023, 7 milliards 800 millions huit cent mille Fbu sont prévus. 

Qui plus est, sur la structure du prix du carburant datant de l’année passée, 85 Fbu par litre devaient être perçus pour la cause. Mais, on le répète, ce fond n’a pas été alimenté. L’occasion de se demander où va tout cet argent, car si on prend ces  85 Fbu  et qu’on les multiplie avec les millions de litres de carburant  vendus au cours d’une année, l’on comprend que des milliards ont été soit détournés soit réaffectés, au grand dam du stock et des consommateurs du carburant. 

La route maritime, une solution ?

Au regard des conséquences fâcheuses de la pénurie du carburant, plus d’un se demandent si la voie maritime ne résoudrait pas ce problème. Avec raison, car selon les estimations, le transport lacustre réduirait les coûts du transport jusqu’à 40%. En comparaison avec la voie routière, la voie lacustre parait plus économique et plus adapté au transport de gros tonnages. Les bateaux qui font le transport lacustre ont une capacité de transport variant entre 500 et 1500 tonnes. Dans ces conditions, un seul grand bateau peut transporter l’équivalent de ce que peuvent transporter plus de 50 camions.

Pour ce qui  est du Burundi,  la flotte lacustre burundaise a une capacité de 9590 tonnes avec une capacité de transporter 550 m3 de carburant. Ce qui est l’équivalent de la quantité transportée par au moins 15 camions.

Avec toutes ces facilités qu’offre la voie maritime, le Burundi a donc tout intérêt à l’adopter. Mais, il devra le faire tout en disponibisant des devises. Les intérêts  des camionneurs pourraient certes être remis en  jeux, mais il est possible de le faire progressivement.

 

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