La production agricole a baissé en province Cibitoke. Les cultivateurs expliquent cela par le retard dans la distribution d’intrants. FOMI reconnaît qu’elle n’a pas pu satisfaire la demande. Elle se veut rassurante et compte augmenter sa production. Reportage.
11h30, nous sommes au bord de la RN5, sur la colline Murambi de la commune Buganda. Les cultivateurs s’activent dans leurs champs. Bien que ce soit la saison sèche, la localité arbore des cultures de tomates formant un paysage verdoyant. Des cultivateurs irriguent leurs champs tandis que d’autres les pulvérisent. Pour s’entretenir avec eux, il faut entrer dans les champs à petits pas délicats. Le terrain est humide, il faut patauger, certains endroits sont boueux.
Les cultivateurs du maïs en désarroi
Arrosoirs à la main, deux femmes versent de l’eau sur des rangées régulières de tomates. Tout nouveau venu pense que ces braves femmes font face au manque d’eau, vu qu’il n’y a pas de source d’eau visible dans les parages. Mais, contre toute attente, l’eau d’irrigation n’est pas un handicap sur cette colline de Murambi. Il y a même des canaux au milieu des champs.
Malgré cet atout, les deux femmes confient être inquiètes du manque des fertilisants produits par l’entreprise FOMI. Jeanne* ne cache pas son désarroi : « Le manque d’engrais a réduit la production. Quand on fait la commande, elle arrive deux ou trois mois après le semis ou au début de la prochaine saison culturale ».
Dans le champ d’à côté, Paul Ntwengerabarya pulvérise son champ de tomates. Il porte un masque pour se protéger de l’odeur que dégage l’insecticide. « Je mène un combat acharné contre des parasites, ’’impfunya’’ qui décime les tomates », confie-t-il.
Cependant, ce jeune homme a un souci qui le préoccupe, suite aux problèmes d’approvisionnement en engrais : « La production a fortement chuté suite au retard de livraison de l’engrais. Sur une superficie de 144 ares, j’ai récolté 1200 kg de maïs ». Quand les fertilisants arrivaient à temps, ce cultivateur obtenait au moins 5 000 kg.
D’après lui, même pour avoir cette petite quantité, il s’est débrouillé comme il pouvait. « J’ai acheté deux sacs d’engrais minéral sur le marché noir. » Mais, il y avait des répercussions sur les prix. Le sac d’engrais « Totahaza » s’achetait à un prix avoisinant 50 000 BIF, alors que dans le circuit normal, il coûte 26 000 BIF.
Les riziculteurs aussi broient du noir
Le retard de livraison d’engrais affecte la production du riz. Les riziculteurs regroupés dans la coopérative Abajamugambi en commune Rugombo tirent le diable par la queue. « La récolte est mauvaise parce que nous avons reçu l’engrais tardivement. D’ailleurs, certains parmi nous n’ont pas encore récupéré l’engrais commandé au début de la saison culturale B », se lamente Berchmans Nkurikiye
Imaginez-vous, enchaîne-t-il, quelqu’un qui doit cultiver 3 ou 4 hectares et qu’on lui donne 50 kg d’engrais : « Même un expert ne peut utiliser cette quantité sur une telle superficie ».
M. Nkurikiye demande à l’Etat d’évaluer la perte causée par le retard de livraison d’engrais minéral. « Un vrai coup de fouet. Normalement, je produis entre 660 et 770 kg de riz. Pour le moment, j’ai obtenu entre 330 et 440 kg », déplore-t-il.
Pire, ce riziculteur n’apprécie pas la qualité de l’engrais produit par la FOMI. A l’époque, il utilisait l’engrais NPK. 3 ou 4,5 kg de NPK étaient suffisants pour fertiliser 3 ares. « Actuellement, on y met 8 kg de l’engrais FOMI ».
Ainsi, pour garder le rendement, il doit doubler la quantité d’engrais FOMI. C’est comme ça que les cultivateurs voient le budget d’achat des fertilisants multiplié par deux parce que le prix d’un kg d’engrais FOMI est égal à celui de NPK. « Et voilà ce qui explique la hausse du prix du riz. Un kg s’achète à 2500 BIF au moment de la récolte. C’est du jamais vu à Cibitoke, une première », fait-il remarquer.
La direction agricole nuance
Edmond Uwikundiye, responsable du service agricole au Bureau provincial de l’Environnement, de l’Agriculture et de l’Elevage à Cibitoke reconnaît que la production a baissé : « La récolte obtenue au cours de la saison culturale A et B n’est pas bonne ».
La récolte du maïs a baissé. Le rendement par hectare se chiffre à 2 tonnes alors qu’il était à plus de 3 tonnes l’année dernière. Même chose pour le riz, le rendement est estimé 4,5 tonnes par hectare alors qu’il était de 5,5 tonnes l’année passée.
Outre le retard de livraison d’engrais minéral, la mauvaise pluviométrie, la mauvaise qualité des semences et le changement climatique sont d’autres facteurs qui ont entraîné la baisse de la production.
M. Uwikundiye fait savoir que ce retard de livraison d’engrais a bouleversé les anticipations des cultivateurs. Tout le monde commande beaucoup d’engrais pour constituer un stock pour la saison prochaine.
Pour le moment, la quantité d’engrais demandée a été multipliée par trois. Normalement, la saison C demande peu d’engrais. Mais la quantité nécessaire est le triple de celle de la saison B parce que durant la saison sèche, beaucoup de gens ne peuvent pas avoir de l’eau suffisante pour arroser les champs.
La FOMI rassure : « D’ici 7 mois, le problème sera résolu. »
Les données fournies par la direction provinciale de l’agriculture confirment que la quantité d’engrais commandée n’est pas livrée en sa totalité. Pour le fertilisant de type Totahaza, sur 2047,6 tonnes commandées, seules 381,7 ont été déjà fournies aux cultivateurs. Pour la catégorie d’engrais dénommé Imbura, sur 671,7 tonnes commandées, 455,2 ont été servies par FOMI. Concernant Bagara, seules 55,5 tonnes demandées ont été livrées.
Face aux lamentations des cultivateurs, Herménégilde Manyange, directeur général adjoint de FOMI reconnaît que la demande d’engrais dépasse leur capacité productive. « Au cours de la saison C, les cultivateurs ont commandé 24 000 tonnes alors que nous n’avions prévu que 8 000. ». Ce responsable se veut rassurant. La FOMI prévoit de faire l’extension de son usine. D’ici 7 mois, le problème sera résolu.