article comment count is: 6

Chris Ndikumana : regard d’un non initié

Comme chaque vendredi, à 9 heures tapantes, les rédacteurs de Yaga se sont réunis pour discuter de l’actualité du « pays du lait et du miel ». Qui est Chris Ndikumana, cet évangéliste filiforme qui attire des foules à l’étranger comme aucun Burundais ne l’avait fait auparavant ? Cette question, les créateurs de contenus de Yaga l’ont tournée et retournée dans tous les sens sans parvenir à trouver une réponse claire. Finalement, tout le monde s’est mis d’accord qu’on n’était pas d’accord. Voici pourquoi.

 Les Burundais viennent de découvrir un sauveur, alléluia ! Comme s’il était tombé du ciel, certains ne jurent désormais que par le nom de Chris Ndikumana. Soyons honnêtes dès le départ : cette révélation ne m’a touché qu’assez modérément, étant moi-même un croyant peu pratiquant. Cependant, j’ai été ébahi de voir cette foule bigarrée venue écouter religieusement le prédicateur burundais d’une simplicité désarmante, selon certaines informations qui nous parviennent. Puisque j’ai décidé d’être sincère, je dois aussi confesser que je n’ai jamais écouté un Kanguka, ces prédications en audio ou en vidéo dont seul Chris Ndikumana a le secret et qui se distribuent comme des petits pains.

Le jour où j’ai essayé d’écouter un Kanguka sur mon téléphone, il était environ 23h30, et j’étais déjà au lit. Je me suis endormi au bout de deux minutes. Avec ce back ground peu flatteur, je me demande pourquoi c’est moi qu’on a condamné à écrire un billet sur un sujet que j’ai du mal à saisir. Déjà que je ne sais même pas faire la différence entre un évangéliste et un prédicateur ! Mais bon, à la guerre comme à la guerre, jetons-nous à l’eau.

Nul n’est prophète chez soi

La réunion touche à sa fin. Une collègue jette un pavé dans la mare : « La Chrismania, qui a déjà déployé ses tentacules en Afrique de l’Ouest, ne vous dit rien ? ». Évidemment, tout le monde pense à la prestation magistrale de notre compatriote à Abidjan, où 300 000 personnes sont venues goûter à la source du savoir. Oui, presque tout le monde est d’accord pour dire que cet homme est extraordinaire. Et bien sûr, tout le monde s’accorde à reconnaître qu’il a inventé la prédication 2.0, qui lui a permis de toucher un large public.

Moi, le cancre de la salle, je pose la question : « Vit-il au Burundi, l’homme de Dieu ? ». À ma grande surprise, j’apprends qu’il passerait la grande partie de sa vie à Bujumbura et fréquente même une église de la capitale. Notre évangéliste est la discrétion incarnée. Un collègue estime qu’à domicile, le serviteur de Dieu n’a pas la reconnaissance qu’il mérite, nul n’étant prophète chez soi. Faut-il rappeler que « Jésus lui-même a été contesté de son temps », comme nous ont appris nos spirituels ?

Dans la cour des grands

J’ai entendu un pasteur (ou un bishop, je ne me rappelle plus de son grade…de son titre, devrais-je dire) s’étonner que ce ne soit ni un Nigérian, ni un Ghanéen, ni un Congolais qui ait rassemblé une telle foule, mais un ressortissant du Burundi, ce petit pays aux multiples problèmes. « Dieu n’a pas de tribu », a-t-il conclu. Au moins, notre Chris national fait connaître le Burundi, même les athées seront d’accord sur ce point.

À ce propos, des pasteurs stars très connus à travers le continent africain ne tarissent pas d’éloges pour notre compatriote. Par exemple, le Congolais Marcello Tunasi a salué ses performances. Un autre commentaire encore plus surprenant provient d’un représentant de cette nouvelle race qui nous est née il n’y a pas très longtemps : les influenceurs. Celui-ci s’étonnait que les autres pasteurs ou serviteurs de Dieu burundais présents sur la toile n’aient pas évoqué les performances de Chris Ndikumana sur leurs pages ou leurs comptes.

Seul l’inoxydable Isidore Mbayahaga a brisé le silence pour louer le génie du prédicateur. Tout cela semble suspect pour l’influenceur en question.

Une fin en queue de poisson

Les discussions se poursuivent, mais après 30 minutes de brainstorming, aucun angle ne pointe à l’horizon pour traiter cette information. Mon petit doigt me suggère de procéder à une petite immersion, comme cela a été fait pour Mbayahaga ou l’apôtre Jean-Paul. Je fais la proposition à l’auguste assemblée, mais une collègue me rappelle à l’ordre : « Chris ne prêche que très rarement quand il est au Burundi, et lorsqu’il le fait, il n’y a ni publicité, ni matraquage médiatique à la manière de Reinhard Bonnke ».

D’un autre côté, impossible d’aborder l’aspect religieux du phénomène, au risque de froisser nos lecteurs non-chrétiens, agnostiques, athées et « basohoke », c’est-à-dire ceux qui ont fait le tour de toutes les religions et en ont eu assez. Essayer de caler une interview avec la coqueluche des chrétiens ? « Tu peux toujours rêver », lance un autre collègue. Le héraut de Jésus ne s’adresse quasiment jamais aux médias.

Comment parler de cette nouvelle étoile montante du royaume des cieux sans vexer ses inconditionnels, sans verser dans le dénigrement ou l’humour incongru ? Lui proposer de développer le tourisme religieux pour se faire du pognon ? Trop peu pour l’homme de Dieu, il paraît qu’il n’est pas intéressé par les choses matérielles.

Au fur et à mesure des discussions, « Chris » devient simplement « akasamutwe » (casse-tête). Un acolyte s’emporte et déclare que l’info est difficilement « Yagable », c’est-à-dire difficilement traitable sous le prisme de Yaga qui reste, par son essence, incolore et inodore du point de vue religieux.

La dizaine des créateurs de contenu est maintenant épuisée après une réunion de deux heures non-stop. Nous décidons de jeter l’éponge. L’auguste assemblée me somme d’expliquer aux lecteurs pourquoi Chris Ndikumana n’a pas fait la Une de Yaga. Chose faite, ciao !

 

Est-ce que vous avez trouvé cet article utile?

Partagez-nous votre opinion

Les commentaires récents (6)