La pénurie du carburant entre de plus en plus dans le quotidien des Burundais, surtout ceux qui vivent en milieu urbain. En attendant les jours meilleurs, certaines solutions proposées dans la gestion du peu de carburant dont on dispose sont pour le moins étranges, d’autres sont peut-être tombées en désuétude si elles ne sont pas allégrement ignorées. Ceci est un coup de gueule.
On ne va pas se voiler la face, la pénurie du carburant pourrit la vie des Burundais. Deux ans que le pays vit au rythme des pénuries, les unes plus sévères que les autres. Yaga en a d’ailleurs parlé suffisamment. L’espoir de la normalisation de la situation n’est pas pour demain, si on en croit les solutions proposées par certaines personnalités.
Des solutions, parlons-en justement. Une des mesures qui ont été prises pour essayer de mettre de l’ordre dans la distribution du carburant a été la répartition des stations-services selon le type de véhicules qu’elles doivent servir. Ainsi, les bus de transport en commun ont été assignés des stations pour leur servir. Idem pour les taxis, les véhicules des particuliers, etc. Cette mesure est-elle en vigueur ? Personne ne sait.
Retour en force des bidons
A un certain moment, il a été question d’interdire les bidons et les fûts sur les stations-service pour essayer d’étouffer la spéculation alors florissante sur ce produit. A-t-elle été abandonnée ? Puisque les bidons s’observent encore et qu’ils sont même servis en premier, quand il y a du carburant sur les stations-service.
Au mois d’avril dernier, lors du Congrès du comité central du parti Cndd-Fdd, son secrétaire général avait déclaré avec raison : « Iyo ingorane zibonetse nta mukuru yidoga. Yiga umuti » (quand il y a des problèmes, le leader ne se plaint pas, il cherche des solutions, ndlr). Il a par ailleurs rappelé que le carburant s’achète en devises. Et de proposer l’augmentation des exportations du café et des avocats, chiffres à l’appui.
Lui au moins a le mérite d’avoir proposé des solutions concrètes pour résoudre ce problème de pénurie sévère de carburant, même si les solutions proposées ne peuvent pas servir à court terme. Résultat : depuis que M. Révérien Ndikuriyo a fait ces propositions, rien n’a changé.
Distribution par ordre de privilèges
Le président de la République a promis qu’on allait bientôt en finir avec la pénurie de carburant. On ne demande qu’à le croire. Par contre, les solutions proposées par d’autres institutions laissent le citoyen lambda perplexe. En décembre 2023, la députée Neema Niyibitanga avait interpellé le président de l’Assemblée nationale pour lui demander qu’une station-service soit réservée aux seuls députés. On avait espéré que c’est une fausse bonne idée que le bureau de cette institution allait balayer d’un revers de la main. Après tout, ce n’est pas tous les jours qu’on a de brillantes idées. Sauf qu’on a appris que cette fausse bonne idée a fait son bonhomme de chemin et qu’une station-service était en cours de construction à l’Assemblée nationale, quoique pas encore fonctionnelle.
Pour rappel, le député est le représentant du peuple. Dans les conditions normales de température et de pression, il devrait résider dans sa circonscription, même si son mandat devient national quand il est déjà élu. En restant près des citoyens, il est au faîte de leurs préoccupations. A ce titre, il devrait être fier de vivre dans les mêmes conditions que ses concitoyens. Faire la queue devant les stations-service ne devrait pas l’indigner, au contraire cela devrait le renseigner sur les difficultés de ses concitoyens et l’inciter à trouver des solutions qui s’imposent, pas pour lui seul, mais pour la population en général.
Quant à l’Ombudsman, elle vient d’appeler les citadins à ne pas perdre le temps en faisant la queue au parking des bus. Aux mamans, elle conseille de mettre des boubous et des chaussures appropriées et de marcher. Pas sûr que cette solution va plaire aux habitants des quartiers périphériques comme Ruziba, Kabezi ou Mutimbuzi qui sont nombreux à faire des navettes entre leur domicile et le centre-ville chaque jour.
Le comble du malheur est que ce ne sont pas seulement les honorables députés qui tirent la couverture de leur côté en ces temps de dures épreuves. Récemment, un chauffeur qui en était à son troisième jour à dormir dans son véhicule devant une station-service à l’avenue de l’Université m’a raconté son malheur. A l’arrivée du carburant, les véhicules du propriétaire de la station dont quelques camions ont d’abord été servis. Ensuite, ont été servis ceux du gérant et de ses amis, puis les véhicules d’une institution sise dans la Mairie de Bujumbura. Comme il faisait nuit, la station a finalement été fermée. Aucun citoyen lambda n’a été servi. Le lendemain, les optimistes qui faisaient encore la queue ont été informés que le carburant restant a été réservé par l’institution qui avait été servie la veille. Après quatre jours d’une longue attente, notre pauvre chauffeur est rentré bredouille.
De l’ordre dans la distribution de carburant
Beaucoup de problèmes entachent l’approvisionnement au compte-goutte de l’or noir. Malheureusement, c’est toujours le citoyen lambda qui trinque. Parfois, lorsque le carburant arrive après des jours à faire la queue, il y a coupure de courant. Puisque l’on a bien exigé que les stations installent des barbelés concertinas pour diminuer le désordre, pourquoi l’on ne leur a pas exigé d’avoir des groupes électrogènes en ces moments de dures épreuves ?
Plus récemment encore, une décision interdisant aux automobilistes de faire la queue devant les stations-service est tombée. Il faut maintenant s’informer pour savoir si la station a du carburant ou va l’avoir avant de faire la queue. Mais où s’informer ?
La seule solution pour ne plus voir de files de véhicules devant les stations est d’avoir assez de carburant pour tout le monde. En attendant, il faut absolument assainir la distribution du carburant aux stations-service. Si seuls les plus nantis et les institutions raflent le peu qui est disponible, cela n’engendrera que frustration. Les citoyens lambda deviendront des laissés pour compte, les dindons de la farce.