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Burundi : éviter la guerre

La guerre, il n’en veut pas. Les violences, il en a marre. S’il n’abandonne pas pour autant ses principes, le blogueur Jean-Marie Ntahimpera mène une réflexion utile sur la manière de sortir au mieux du conflit au Burundi. Une réflexion difficile…

Cet article date du 8 juin 2015 et fait l’objet d’une republication.

Chaque fois que je vois les photos ou les vidéos des confrontations entre les manifestants et les policiers, je revois l’ombre de la guerre.

Ça fait déjà plus d’un mois que ça dure et, chaque jour, c’est la même routine. Des policiers qui tirent des balles réelles sur les manifestants. Des manifestants qui se servent des armes de fortune à leur disposition : les pierres. Bien entendu, il y a une disproportion de force entre les balles et les pierres.

Chaque jour, c’est la même tragédie : des morts, des dizaines de blessés. Et des centaines de jeunes, les plus engagés et les plus dynamiques, emprisonnés depuis le début de ces manifestations.

Le jour viendra où les manifestants seront fatigués de souffrir.

Si ça continue comme ça, je pense qu’il y a une menace d’une autre guerre civile au Burundi. J’ai regardé la semaine passée l’excellent documentaire d’Arte « Ils ont tué la démocratie » sur ces manifs contre le troisième mandat. J’ai été particulièrement touché par l’image de ce manifestant de Musaga, qui aiguisait une machette en disant qu’elle servirait peut-être si les policiers venaient à l’importuner. Je me dis que s’il avait accès à un fusil, il l’aurait utilisé pour se défendre.

Le jour viendra où les manifestants seront fatigués de souffrir de ces batailles disproportionnées contre les policiers et chercheront peut-être, eux aussi, à se procurer de vraies armes : des fusils. Ce sera alors le début d’une nouvelle guerre civile.

Je refuse !

Je ne veux pas qu’on en arrive là. Comme la plupart de mes compatriotes, j’ai vécu la guerre et je sais qu’elle n’est pas jolie. Je sais que, même avec les meilleures intentions, la guerre est susceptible de détruire en un clin d’œil ce que nous avons mis des décennies à construire. La dictature risque d’être féroce et nous risquons de perdre la majorité des acquis de la démocratie qu’on avait cru conquis pour toujours : entre autres, des medias indépendants avec une liberté d’expression sans égal dans la région, une société civile active.

Pour éviter ce scenario catastrophique de guerre civile, il y a deux possibilités. Soit le président Pierre Nkurunziza renonce à briguer un troisième mandat. Soit l’opposition accepte de céder, arrête les manifestations et décide de le combattre par les urnes, comme les Sénégalais l’ont fait avec Abdoulaye Wade.

Une option impossible

Ça fait mal pour quelqu’un comme moi.

On sait que Nkurunziza n’acceptera pas de céder. Il l’a dit à plusieurs reprises, la question du troisième mandat est non négociable. Tous ont essayé de le dissuader de se représenter à l’élection présidentielle, des États-Unis à l’Union africaine, mais il n’a jamais voulu écouter personne.

Je conseillerais à l’opposition de prendre cette décision difficile : arrêter les manifestations et aller aux urnes. Nous pouvons laisser ce troisième mandat à Nkurunziza si c’est le seul moyen d’épargner au Burundi une nouvelle guerre civile. Ça fait mal pour quelqu’un comme moi, qui me suis engagé depuis le début dans ce combat contre cette candidature. Mais c’est peut-être le moindre mal.

L’abandon

J’en suis venu à épouser l’opinion d’un diplomate occidental qui me disait, avant même le début des manifestations : « Avec ou sans Nkurunziza, il faut chercher à préserver la paix. »

Nous devons être réalistes.

Il y aura sans doute des résistances. L’opposition répliquera : « Si on cède, tous ces morts dans les manifestations seront morts pour rien. » Je répondrais que si on continue, beaucoup d’autres risquent de mourir pour rien.

Pour céder, l’opposition devra exiger au pouvoir des concessions : donner la permission aux radios qui ont été détruites de rouvrir et de pouvoir diffuser dans tout le pays ; relâcher tous les prisonniers politiques, surtout ceux qui été emprisonnés pour avoir participé aux manifestations ; annuler tous les mandats d’arrêt qui ont été émis contre les organisateurs des manifestations…

Je sais que la plupart de mes amis n’apprécieront pas ce plaidoyer pour la « capitulation ». Mais je me dis que pour ne pas arriver à la phase de non-retour, nous devons être réalistes.

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