C’est la tendance du moment. Des officiels tiennent de plus en plus des conférences publiques. Le public est appelé à prendre la parole, à poser des questions, à exprimer son avis sur la gestion de sa communauté. Quelle appréciation de cette démarche inhabituelle ?
Commençons par la toute récente actualité. Via une tournée dans trois communes de la capitale économique, le maire de la ville vient de se prêter à un exercice pour le moins inhabituel. Celui de se mettre à l’écoute de ses sujets. Ces derniers, venus en nombre, ont eu droit aux questions, posées et répondues directement. Des questions de société aux questions juridiques, en passant par celles économiques, l’audience ne se gênera pas pour louer ce qui va bien, mais aussi de pointer du doigt là où ça fait mal. Toutefois, les questions sur la politique ont été les grands oubliés.
En grande partie, ce sont les préoccupations sociétales liées principalement aux concubinages qui ont été le plus exposé. En accusation, des administratifs qui demanderaient des avances à leurs sujets. Sur la barre des accusés, ce sont aussi des dysfonctionnements de la justice qui ont été dénoncés avec des accusations en direct.
Avant la mairie de Bujumbura, ce sont les gouverneurs de province, en direct sur les réseaux sociaux, qui sont allés à la rencontre de leurs gouvernés. Kayanza, Gitega, … toutes les provinces se sont déjà prêtées à l’exercice. Là aussi, même modus operandi. Des occasions de rendre des comptes, et matérialiser la participation citoyenne comme le veut le principe de redevabilité, cher à la démocratie.
Des initiatives salutaires, à quelques conditions
Sans spéculer sur la sincérité de l’approche, ou sur les réponses adressées aux doléances de l’ecclésia présente, ces conférences ont le mérite de servir de cadre d’expression au peuple. N’ignorons pas combien il est difficile pour un Burundais lambda, de décrocher ne fut-ce qu’une simple audience à l’administratif du coin. Le maire ou le gouverneur, n’en parlons même pas.
Cependant, si l’exercice constitue un moment de faire prévaloir un système démocratique à l’écoute de la population, il n’est pas moins un couteau à double tranchant qui peut aller à l’encontre du but recherché. On fait ici allusion faite ici aux accusations formulées directement, lors de ces conférences, en dehors de tout cadre légal, et dont le traitement médiatique n’est pas exempt de critique. Une procureure sommée de s’expliquer devant le maire, et publiquement, face aux accusations de corruption, est-ce légal ? Tout comme ces accusations en mode flagrance contre cet homme accusé de faire des avances aux filles domestiques de sa parcelle. Ne donnent-ils pas l’impression de mordre sur le principe sacré de la présomption d’innocence, cher à la démocratie ?
Un tribunal populaire ?
Aussi salutaires qu’elles puissent être donc, ces conférences, surtout celle du maire de la ville, ont donné l’impression de servir d’un tribunal populaire. Loin de moi l’idée de plaider pour les accusés, les scènes d’accusations en public auxquelles nous avons assisté, sont symptomatiques d’un dysfonctionnement du système judiciaire.
Mais, tout cela est de l’ordre des critiques, qui n’affectent en rien le caractère opportun de ce genre de rencontres. Pourvu que leurs issues soient le début des lendemains qui chantent, et pas de simples rendez-vous de faire prévaloir.