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Burundi-élections : en attendant 2025…

Nous voilà partis pour la grande marche qui nous conduira vers les prochaines échéances électorales. La roue tourne déjà. Le compte à rebours semble avoir été lancé avec la mise en place de la Commission électorale nationale indépendante (CENI), malgré les dénégations qui commencent à fuser ici et là. Est-il possible d’éviter de revivre les malédictions post-électorales que le Burundi a vécues dans le passé ? Ce blogueur réfléchit à haute voix. 

2025 et 2027, deux rendez-vous électoraux, oh combien cruciaux, approchent à grands pas. Certains acteurs fourbissent déjà leurs armes, d’autres observent, perplexes, les préparatifs pour ces grands rendez-vous. L’équipe de la CENI appelée à jouer l’arbitre pour les prochains matchs, a déjà été mise en place au niveau national. Ses équipes provinciales (CEPI) et communales (CECI) seront sans doute formées dans les prochains jours. Dans le meilleur des mondes, on pourrait penser que tout est normal. Sauf que non. Quelques exemples. 

A peine l’équipe de la CENI était mise en place que les voix s’élevaient pour dénoncer que le processus de désignation de ses membres n’avait pas été inclusif. Le parti Frodebu s’est fendu en tweets pour dénoncer une désignation unilatérale et monocolore qui perpétue la politique d’exclusion de Cndd-Fdd. Et de conclure que « c’est une démarche biaisée qui marginalise la diversité politique au Burundi. »  Le parti APDR, dont certains s’interrogent sur son réel poids sur l’échiquier politique burundais, a félicité les membres de la CENI qui ont été choisis. Il a aussi demandé la mise en place des CEPI et des CECI dans un processus inclusif, avec un petit constat qui lui est allé droit au cœur et qui a son importance : ceux qui faisaient partie de CENI n’ont pas été reconduits « kuko vyagaragaye ko batavyitwayemwo neza », lit-on dans le post sur la page  Facebook de ce parti. 

A cela, nous devrions ajouter, la suspension des activités du parti CNL, la première force d’opposition, par le ministère ayant l’Intérieur dans ses attributions. La cause de cette suspension est l’éclatement des dissensions internes que les parties en conflits interprètent différemment. 

Le choix de celui qui était le porte-parole du gouvernement à la tête de la CENI n’a pas été du goût de tout le monde, mais il faut le dire, il n’est pas illégal. Il a été membre des anciennes CENI (2010 et 2015) sous la responsabilité respective des deux Pierre-Claver (Ndayicariye et Kazihise), anciens présidents de cette institution très contestée par l’opposition et la société civile. D’aucuns s’interrogent sur l’impartialité de ce fervent serviteur du gouvernement. Rattraper le coup en montant des CEPI et des CECI consensuelles ne serait-il pas salutaire ?

Le Burundi, malade des élections ?

Les élections ont toujours été problématiques au Burundi. Rwagasore et l’Uprona ont gagné celles de 1961. Un mois après la prise du pouvoir, Rwagasore était assassiné. Juin 1993, Ndadaye et le Frodebu remportent haut la main les élections. Trois mois après, le président démocratiquement élu est assassiné, sans oublier les massacres qui suivront. En 2010, les urnes sont à peine fermées que les contestations suivies de violences éclatent. ADC-ikibiri, la coalition de l’opposition, devient plus tard un chiffon rouge pour la mouvance présidentielle. Celles de 2015 sont inqualifiables, tellement la situation était confuse et ne se prêtaient pas à une compétition électorale digne de ce nom. Le climat était tendu, certains Burundais s’étaient déjà réfugiés dans les pays de la sous-région, avec des manifestations de contestation contre le 3ème mandat du président Pierre Nkurunziza, des manifestations qui ont dégénéré en violences. En 2020, le référendum de la Constitution de 2018 a sonné comme une sortie du processus consensuel d’Arusha. La compétition qui s’en suivra sera contestée par l’opposition (dont le CNL en tête) qui l’a qualifiée de ‘’fantaisiste’’ et de ‘’pure manipulation’’. Le CNL est quand même parvenu à glaner quelques places l’Assemblée nationale. 

Que nous réservent les prochaines échéances électorales ? 

La machine électorale s’ébranle, bon gré mal gré. La CENI a été mise en place malgré les inquiétudes qui ont été soulevées plus haut. Récemment, nous avons découvert les premiers spécimens de l’identité biométrique à Gitega via le ministère ayant la Sécurité publique dans ses attributions. Bientôt, ce sera la mise en place des CEPI et CECI. Nous l’espérons, bientôt le recensement général de la population aura lieu. Tout cela constitue les préalables pour une bonne organisation des élections qui approchent. Toutefois, il reste un impondérable : l’homme. Malgré tous ces instruments, si l’homme n’est pas animé d’une bonne volonté, tout cela ne servira à rien et nous retomberons dans les affres du passé. 

Les élections, un moyen et pas une fin en soi

« Amatora aheze, ayandi aba atanguye ». Combien de fois avons-nous entendu cette phrase dénouée de tout sens ? Les élections sont importantes dans un régime démocratique. C’est le moyen légitime et légal d’accéder au pouvoir. Le principe d’un homme, une voix permet de plébisciter les hommes et les femmes appelés à gouverner la cité au nom du peuple. « Nimba amatora aheze ayandi aba atanguye, tuzokorera abanyagihugu ryari ? », s’était interrogé le Premier ministre Gervais Ndirakobuca qui était en visite à Cibitoke. Les élections ne devraient pas être un projet en soi. C’est plutôt une occasion d’exposer son projet de société au peuple. Si ce dernier est intéressé, il vous accorde sa confiance pour une durée déterminée et précisée par la loi. 

Ici, on se doit de préciser certaines choses. On ne pense pas au projet de société quand on est déjà au pouvoir, mais plutôt avant d’y accéder. Ensuite, il faut que ceux qui sont en compétition aient les mêmes chances de présenter leurs projets aux électeurs, on appelle cela l’ouverture de l’espace politique. Mais encore, pour que la compétition soit crédible, il faut que les arbitres soient impartiaux et aient la confiance des compétiteurs, mais aussi des électeurs. Bien plus important, lorsque la compétition s’est bien déroulée et qu’elle est terminée, les perdants doivent avoir la bonne foi de reconnaître la défaite. C’est ce qu’on appelle le fair-play. C’est comme ça que nous pouvons éviter les violences post-électorales qui ont toujours endeuillé le Burundi.

 

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