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#BurundiCrisis : mon rêve vola en éclats

Contrainte de quitter le pays à cause de la crise, la bloggeuse Bella Monia Inakanyambo partage sa douleur, rend hommage à tous ceux qui ont subi le même sort et qui se sont retrouvés sur une terre inconnue.

J’ai toujours aimé écrire. Tellement que j’ai parfois la nette impression que je ne vis que pour ça. Que si par malheur il m’arrivait de ne plus pouvoir m’exprimer à travers mes écrits, je n’aurais plus de vie. Parce que c’est ma manière d’exprimer ce que je pense.

Mon lyrisme me permet de raconter les choses telles que je les sens, sans avoir recours à la fiction ou à l’invention. Je dis juste ce qu’il en est, pour moi.

Je n’en suis plus sûre

La crise politique de 2015 au Burundi a chamboulé ma vie. Elle m’a poussé à vivre des choses que jamais je n’aurais cru pouvoir supporter. Et comme beaucoup d’autres Burundais, je n’ai pas vraiment eu le choix. J’ai alors regardé mes rêves s’envoler en éclats. J’ai eu peur, je me suis sentie perdue, désarmée, impuissante. Je ne pouvais plus imaginer un avenir, d’autant plus que même la survie n’était pas garantie.

Mon beau pays a donc sombré dans un nouveau chaos. C’est drôle comme, du jour au lendemain, ce  lieu si vivant avait l’air d’avoir perdu toute vie, ou à peu près. Il n’était donc plus question d’assurance, d’audace, de certitude, de sang-froid. Survivre. Rester aussi longtemps que possible dans une attente interminable, infinie, tant insupportable. Il faisait nuit pendant la journée.

Avoir peur et se taire. Etre fouillé de fond en comble et s’exécuter. Rentrer tôt et mourir à petit feu, ou rentrer tard et être victime des coups de feu. Se poser des questions. Rechercher coûte que coûte l’avis des autres, pour être sûr d’échapper à ce silence cinglant. Garder l’oreille tendue car ne sachant jamais. Dormir en comptant les heures, parce que les nuits semblaient dorénavant trop longues. Et pas sûres. Beaucoup moins sûres.

Puis se nourrir de rumeurs. Se sentir plus en confiance en voyant ces messages vides de vérités, trop pleins de souhaits. Et cultiver le tapage, le partager, en faire notre confident, dorénavant notre source d’infos. Faire de la vérité ce que nous voulons qu’elle soit. L’entretenir au point de la déformer. Sciemment.

J’ai vu ma vie prendre une nouvelle tournure. Je me suis retrouvée rejetée sur une terre étrangère. Une terre sur laquelle ceux qui ont compris d’où je viens me regardent avec une once de pitié. Comme une personne venant d’Irak, d’Iran, du Pakistan, des pays qui sont en guerre infinie depuis aussi longtemps que je me souvienne.

Heureusement pour moi, j’ai vite appris à aimer cette nouvelle terre. L’endroit en soi est plein de charme. Mais je n’en dirais pas autant de tous mes compatriotes. De ceux-là qui essaient de se faire une vie ailleurs tout en gardant le cœur et l’âme au pays. De tous ceux qui, comme moi, gardent à l’esprit qu’on n’est jamais mieux ailleurs que chez soi.

Au fil du temps, j’ai compris qu’il me faudrait un bon moment avant de pouvoir écrire à nouveau. Dès que je commençais à rédiger, toutes mes idées, mes pensées convergeaient vers la politique. Et j’en avais marre de parler de cette chose qui nous a tant volé. Je me sentais tellement perdue…

Aujourd’hui, j’ai le cœur lourd en rédigeant ce billet, mais je me suis retrouvée. J’aimerais tellement que tous ceux qui se sont sentis égarés à cause de ce désordre se retrouvent aussi. Je vous ai vu afficher des sourires mais je sais que la crise ne vous est pas passée dessus. Elle vous a heurté. D’une façon ou d’une autre. Mais j’ai aussi vu la plupart se reprendre en main et foncer, aller de l’avant. Ça sarcle l’espoir…

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Les commentaires récents (1)

  1. Un article ne m’a jamais tant affecté, j’ai eu les larmes aux yeux en parcourant les phrases…
    C’est triste et même si c’est pour partager votre vie ou même ces moments de douleur je magnifie vraiment votre façon d’écrire. Toutes mes félicitations pour ceci et bon courage!!