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Voyage au clair de la lune : aventure nocturne sur la RN3

Au terme d’une semaine chargée comme d’habitude, je décide de faire un saut à Rumonge histoire de faire un break au rythme effréné de Bujumbura. Je prends un risque : revenir sur Bujumbura le lundi et espérer être au bureau à 8h. Mon départ est fixé à 2h du matin.

Dimanche. Noctambule notoire, je reste connecté jusqu’à très tard dans la nuit pour clôturer quelques discussions. A 2H moins quelques poussières de minutes, je suis debout. Tout comme la personne qui m’a convaincu de prendre ce voyage nocturne. Mais notre bus est en retard. Nous embarquons finalement à 3H passés. Moi aussi, je suis fier de monter à bord d’un « war bus ».

A l’entrée du bus, seuls les petits bancs du milieu et le siège arrière sont disponibles. Je fonce à l’arrière avec optimisme. « Ça va le faire » , me convaincs-je.

Du vent plein la face

Nous prenons la RN3. Quelques kilomètres de la RN3 sont déjà goudronnés.  La galère me rattrape vite : la fenêtre de derrière n’a pas de vitres. Juste un rideau. Le vent frappe à plein régime sur mon visage. J’enlève mes airpods de peur qu’ils ne s’envolent. A chaque arrêt, à chaque  décélération importante, je retiens le souffle. Le temps m’est compté.

Une maman (que je vais nommer Mama Cynthia), pourtant plus près de la fenêtre, semble épargnée par le vent. Elle dort, ronfle même. Le trajet a eu très tôt raison de sa lucidité. Elle a pris soin de nous avertir que la fenêtre était KO avant de partir dans son sommeil.  Un grand monsieur, Jean Claude (pseudo) est assis à ma gauche. Une partie de son gabarit repose sur ma côte gauche.

Passée la partie goudronnée de la route, je pousse presque un ouf de soulagement. Pour une fois, je suis content de traverser une route non goudronnée. En effet, comme le chauffeur doit ralentir, le vent de l’open window frappe moins sur mon visage.

Des côtes en souffrance

Le bus continue son bonhomme de chemin et ramasse des passagers à différents points d’arrêt. Certains sont accompagnés par des sentinelles, bâtons à la main. Une bonne partie des passagers déjà à l’intérieur s’endorment. Par moments, grâce aux phares du bus, je remarque qu’une légère poussière nous envahit.

4H08. Nous atteignons la centrale hydroélectrique de Ruzibazi. Le chauffeur appelle ses clients par des sobriquets. Je retiens Mufinyo. Dans le bus, notre nombre oscille dans les 40. Arrivés à Rutumo, Mama Cynthia descend du bus. Un passager raconte non sans une pointe d’humour comment un de ses reins est sur le point d’exploser à cause de la mauvaise position dans laquelle il est assis.

Le bus est surchargé. De l’arrière du bus je ne peux plus voir devant. Le chauffeur non plus ne peut plus derrière. Je relativise : l’essentiel est d’arriver à temps à Bujumbura. Je ne veux pas me faire reprendre au boulot.

Vous vous souvenez de Jean Claude ? Il dort maintenant. Ce qui augmente le poids de son corps sur ma côte gauche. Mon système digestif non coopère de moins en moins et cela s’entend, puisque j’ai pris mon dîner tard dans la nuit. Je manque de lancer un Alléluia lorsque vers 4H30, Jean Claude se réveille finalement.

« Rien n’est nul dans la vie »

Vers 5H, mon corps commence à réclamer sommeil. Le corps est disposé mais la route ne le veut pas. Je commence à apercevoir le lac Tanganyika à ma gauche. A quelques kilomètres de Gitaza, arrêt net. Un camion Fuso s’est renversé.  Heureusement, il n’a pas barré la route. Notre chauffeur raconte qu’il avait déjà prédit qu’un véhicule finirait par être coincé à cet endroit à cause de l’état piteux des lieux. A quelques mètres du lieu d’accident, on s’arrête pour « prendre l’air » à la burundaise. C’est-à-dire que certains passagers vont se soulager non loin de la route, à l’abri des regards indiscrets.

5H01. Nous sommes déjà à Gitaza. Il commence à faire jour. A 5h19, la silhouette des montagnes commence à se détacher du ciel. A 5H35, on arrive à la Ruziba. Là-bas, on est soumis au contrôle de police, le seul de tout le trajet. A 5H43, une centaine de gens sont arrivés au marché de Ruziba. Il fait déjà jour. Quelques personnes dans le bus s’échangent des leçons morales. J’en capte une : « Rien n’est nul dans la vie » ( Rien compris de cette phrase).

6H05. Arrivée à Kinindo. L’histoire se termine plutôt bien puisqu’une fois arrivés au parking final qui est le marché de Kinindo, le chauffeur lance : « Ceux de Jabe restent! ». Avec tous les problèmes de bus qu’il y a, rien de plus beau que se faire épargner deux bus de plus.

Et surtout, je relève mon défi avec brio, puisqu’à 8H moins je suis déjà au boulot. Mais quel soulagement.

 

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