Si loin et pourtant si proche, Makamba, la province la plus méridionale du Burundi fascine. Nous pouvons l’aimer ou la haïr, mais nous devons reconnaître qu’elle est belle, de cette beauté insolente des lieux difficilement accessibles de la planète. Les dénivellations du Kumoso, les montagnes massives et les vastes vallées de Buragane ont fasciné ce blogueur qui vient de traverser, de nuit, les routes cahoteuses longeant le lac Tanganyika.
Mon métier de gratteur de papier me réserve parfois des surprises, et c’est peut-être pour ça que je l’adore. C’est très courant de se lever le matin sans savoir dans quel coin perdu on va traîner sa bosse. C’est ce qui m’est arrivé ce mardi 30 mai 2023. Quand je me suis rendu au bureau, un chef très pressé m’attendait de pied ferme et m’a rapidement briefé sur une mission de la plus haute importance (j’exagère un peu) et c’est comme ça que j’ai embarqué illico pour Buragane, 5h plus tard, je grimpais la majestueuse Rukonwe dans un bus brinqueballant, qui menaçait de se désagréger à chaque fois que le chauffeur appuyait sur le champignon. 17h30, je débarque à Mabanda, sans tambour ni trompette. Voilà que je m’emploie à me fondre dans la masse, on n’est jamais trop prudent.
18h. Je n’ai pas encore réussi à mettre la main sur le gugus que je dois interviewer et qui devait me confiait des informations cruciales pour un papier urgent, avant qu’un autre chef m’appelle pour me dire que j’ai une réunion d’une urgence absolue à laquelle je dois participer le lendemain à 9h00. J’ai beau lui expliqué que je suis à Makamba, que je ne peux pas être à Bujumbura à cette heure, rien n’y fait ! Le gars à l’autre bout du fil me dit de rappliquer et d’être à l’heure. Inutile d’insister, il a déjà coupé la communication. Caught like a fish !, comme dirait l’autre.
« Igihugu ni nyabagendwa ! »
22h. Interview terminée, je me mets à raconter mon problème à ma source. Comment faire Bujumbura-Makamba (6h de route à cause de cette foutue route cabossée), et arriver avant 9h ? Karorero rigole et me dit qu’il y a bien un moyen et que je peux même arriver avant 7h. Je crois d’abord à un canular, puis il précise sa pensée : « Il y a un bus qui part de Mabanda à 1h45 pour arriver à Buja à 6h45 sans coup férir. » Je suis toujours incrédule. Mon hôte prend soudain son téléphone et appelle un numéro, un échange bref, et je l’entends dire : « Oui il sera prêt à 1h45, non il n’a pas de bagage,… à l’hôtel Ngozi… » Il donne ensuite mon contact téléphonique et mon sort est scellé. Mon hôte se retourne vers moi et me dit « Voilà, c’est fini, il vient te prendre à 1h45, il attendra juste 5 minutes devant l’hôtel, si tu ne sors pas, il repart ». Je glisse une petite question, au risque de fâcher mon sauveur : « Ce n’est pas dangereux de voyager à cette heure-là ? ». Mon ami rit et me lance : « Qu’est-ce que tu veux qu’il t’arrive ? Tu ne seras pas seul, c’est un bus qui transporte jusqu’à 35 personnes ». Et d’ajouter : « Igihugu ni nyabagendwa ! ».– Aho !
Le ‘’War bus’’
23h. Mon hôte part. Je regagne ma chambre. Dormir ? Non, je risque de rater le départ du bus. J’aurais bien aimé squatter le bar de l’hôtel pour tuer le temps autour d’une bière, mais celui-ci est déjà fermé. Je décide donc d’ouvrir mon ordinateur pour regarder un vieux film. 1h30, mon téléphone sonne. « C’est toi Parfait ?…Ok, je passe te prendre dans un quart d’heure. Ne t’endors pas ». 15 minutes plus tard, des phares jaillissent de la nuit. Je l’aperçois enfin le ‘’War bus’’ de Mabanda, sharp on time, disent les Anglais. La lampe intérieure s’allume, la porte latérale s’ouvre et je m’engouffre dedans.
Le ‘’War bus’’ est un vieux film sorti il y a des années, où un groupe de soldats américains perdus dans un pays étranger, utilise un long bus jaune, robuste et inarretable pour échapper aux ennemis. Quand je pénètre dans le bus ce film me revient en mémoire. L’intérieur est austère, les sièges sont usés mais le moteur est une merveille. Des rideaux sur les vitres donnent à l’habitacle un peu de convivialité. Et puis, il y a des passagers, une dizaine d’hommes tous emmitouflés dans des blousons ou des tricots en laine, on dirait des esquimaux. Il fait très froid à cette heure de la nuit.
Une ville aquatique ? Non, des bateaux de pêche
2h20. On est déjà à Muyange, en contre-bas de Rukonwe. Le bus roule à tombeau ouvert puisque la route est quasiment déserte, pas de risque de s’encastrer dans un autre véhicule roulant en sens opposé. On s’arrête pour prendre d’autres passagers, une autre dizaine embarque. Apparemment, il y a des points précis où le chauffeur prend des clients. Certains se connaissent et se saluent chaleureusement.
2h50. Nous découvrons le Nyanza-Lac by night. Même pas un chat à la ronde. La nuit est bien noire. Plus loin, on s’arrête à une barrière de la police. Le convoyeur sort du véhicule, un petit conciliabule avec les agents dont un se lève et vient jeter un coup d’œil à l’intérieur du bus et on repart sans ambages.
3h15. Mumvugo s’offre à nos regards nocturnes. Je découvre un spectacle étonnant : des centaines, peut-être un millier de lumières sur le lac Tanyanyika. Une ville aquatique ? Non, ce sont des bateaux de pêche, fait savoir mon voisin de siège. « Tu n’es pas du coin toi ! », s’exclame-t-il. C’est donc vrai, la mesure de suspension de la pêche pour une durée de 3 mois n’a pas été respectée. C’est Sylvain Toussanga, directeur de l’Autorité du Lac Tanganyika, qui doit avoir l’air malin maintenant !
4h00. Rumonge, la nuit n’a rien à voir avec Rumonge diurne. Le jour et la nuit ! Tout est calme, tout est noir. La vie trépidante de la bourgade lacustre s’est arrêtée. Notre ‘’War bus’’ se faufile dans Rumonge comme un serpent et continue son bonhomme de chemin. La nuit se teint petit à petit d’un voile chocolaté et rougeâtre annonçant la naissance imminente du jour. Le soleil chasse lentement mais sûrement les ténèbres de la nuit.
« Umutwenzi uratamanzuye »
5h00. Kabezi renaît de sa pénombre. Les plus matinaux des oiseaux sortent le bec de leurs nids pour chanter. Sur la crête Zaîre-Nil, les flèches de l’astre doré ont fini par vaincre les derniers ombres de la nuit. « Umutwenzi uratamanzuye », diraient les amateurs du Kirundi de terroir.
Plus loin, Ruziba est déjà réveillé, la route est encombrée de véhicules qui laissent nonchalamment le passage au ‘’War bus’’. Plus loin encore, Kanyosha et son éternel capharnaüm de Bajaj, de Taxi-moto et de bus-zombis. Tous se battent pour se frayer un passage sur une route trop abîmée. Je suis bel et bien à Bujumbura.
6h30. Petit-séminaire, je descends du ‘’War bus’’. Je remonte vers Kinanira. Les gens font déjà la queue pour monter dans les bus. Un dernier regard vers le ‘’War bus’’ qui disparaît sous la poussière. Je presse le pas pour aller prendre une douche avant de me rendre à la fameuse réunion de 9h. Pas question d’être en retard. Ce serait déshonorer le‘’War bus’’ qui a tant donné.
Kuki kur Face book mwayipostinze mû mu kirundi ark mukayitubwira mû rundi rurimi
J’aimerais moi aussi connaitre le war bus. Cela aussi montre que le Burundi progresse vers l’avant et que la paix reigne aussi
Igihugu ni nyabagendwa.C’est l’importance de paix et sécurité.
Intéressant ouiiiiii
Bamushirako uwavyanditse
Bamwanditse, regarde après le titre.
Belle histoire vraiment ❤️
Kuki mwavyanditse mugifaransa
Français dur pr vous le rédacteur,mais j’adore la façon dont tu apprécie ma province, d’ailleurs très bientôt la durée de trajectoire makamba buja sera réduit jusqu’à 3h plus tard comme auparavant
Rholalaa…un récit venu tout droit de Hollywood 👏👏👏
Merci du récit
Mais je suis surpris de lire que la province de Makamba est la plus septentrionale
Peut être que vous parleriez d’autre Makamba(fictive)
L’article est très intéressant. Mais, ce que j’ai aimé le plus, c’est votre français. Vous avez une très bonne expression. Courge!
Kubera vyanditse mugifaransa ntanivyo nsoma ubwambere cari ikirundi none ubu n igifaransa b mugerageza guha agaciro ikirundi
Karibuu tena kwetu👏😅.. Qui ne puis l’aimer? Personne, sauf celui qui l’ignore.. Makamba démontre la beauté elle-même sinon jolie plume wallah
Superbe texte c’est époustouflant mais il fallait quand même marquer l’auteur du reste on vous adore un témoin un récit 👌
Très bécrit écrit, on s y croirait. La place coûte combien.?
J’adore vraiment ton français. C’est savoureux !
C’est pourquoi il fallait lutter contre tous ceux qui veulent déstabiliser la sécurité au lieu de les soutenir avec des financements
Un beau récit ! 🤩 Agafaransa na Molière ntiyegereza …