Privé de matières premières, sans clientèle pour les œuvres déjà réalisées tandis que les financements sont gelés, le secteur artisanal burundais est au bord du gouffre. La Covid-19 l’a terrassé. Pour le relever, il faudra bien plus d’implications de la part des bailleurs et/ou des pouvoirs publics.
Dans son échoppe de 2m2, David somnole. Sa tête soigneusement posée sur le dossier de sa chaise perdue au milieu des produits de vannerie, de poterie et des meubles en bois, il donne l’impression d’être au bout de sa vie. Est-il malade ? « Mais non ! C’est simplement de la fatigue et l’ennui de n’est rien faire. Vous êtes mes premiers visiteurs depuis ce matin ».
Il est 15h moins le quart. « Depuis début avril, je suis toujours dans cet état. Qu’il est fatigant de tenir un commerce sans moindre client ! Même sans devoir acheter, le minimum est d’avoir quelqu’un pour un marchandage. Ça vous rappelle au moins que vous travaillez »
Oui, les enceintes de ce grand musée du Burundi sont silencieuses ce mercredi. Depuis déjà une quinzaine de minutes, personne ne passe.
David ressasse, pense à un passé merveilleux. « Avant la crise du coronavirus, les clients des œuvres artistiques du Musée vivant étaient nombreux. Mais depuis, ils se sont effrités petit à petit ».
Pendant la petite demi-heure que nous restons au Musée vivant, aucun des échoppes des produits artisanaux n’a reçu de clients. « C’était essentiellement des Blancs qui nous achetaient nos produits, pendant leur visite touristique… En fait, nos produits n’ont vraiment pas de consommateurs internes », lâche morose Jeanne, une tisserande.
Un manque à gagner énorme
Les derniers clients sont partis avec la première décade du mois d’avril selon des artisans des différents points de vente. À peine, les premières victimes de la Covid-19 venaient-elles d’être déclarées.
L’épuisement de la matière première constitue l’autre grande entrave qui ruine les artisans. « La plupart des œuvres artistiques sont faites à partir des matières importées », explique Adalbert Hakizimana, directeur exécutif chez Chasaa (Chambre sectorielle de l’art et de l’artisanat), qui épingle notamment le bois du Congo et la poudre moringa qui s’importait d’Ouganda.
Devant une situation qui ne semble pas se débloquer, les artisans, indique Adalbert, ne savent plus où donner la tête. Même les petites coopératives qui avaient été mises sur pied tombent à l’eau : « Sans revenues, les cotisations se font rares », regrette-t-il.
Comme pour d’autres secteurs, un effectif important employé dans l’art a été licencié, car en plus d’une commercialisation au point mort, les financements étrangers sont momentanément gelés, les bailleurs de fonds canalisant leurs moyens dans l’éradication du coronavirus.
Une injection monétaire pour redynamiser le secteur
Les plans de relance des différents secteurs après la pandémie du coronavirus incluent une nécessité de beaucoup de moyens financiers. Au niveau de la Chasaa, Adalbert Hakizimana parle d’une « volonté d’approcher des bailleurs pour refinancer afin notamment de ramener les employés en chômage suite à la pandémie ».
À mon avis, si moyens il y a, l’État devrait injecter de la monnaie dans ce secteur afin de tenter de le propulser de plus belle. Car, comme chacun le sait, il s’agit d’un des domaines clés pour le développement, intimement lié au secteur touristique. L’État devrait constituer un fonds d’accompagnement des artisans.
Dans tous les cas, la pandémie du coronavirus aura montré les limites d’un secteur dont les clients sont pour l’essentiel des étrangers. Il convient ainsi de stimuler la consommation interne. Ce chantier interpelle l’implication des artisans, au niveau individuel et collectif, et des pouvoirs publics. Les premiers doivent savoir stimuler à travers leurs productions, leurs œuvres. Les seconds devraient éduquer la population.