Mot à double sens popularisé par les militants du parti au pouvoir, le vocable belliqueux « Tuzobamesa » est indissociable de la crise du troisième mandat. La promesse d’en finir avec tous les « ennemis » du parti de l’aigle a même traversé les frontières, jusqu’à interpeller un chef d’Etat de la sous-région. Jean-Marie Ntahimpera nous en donne sa lecture.
Le slogan « Tuzobamesa » a vu le jour en 2015, la veille de la désignation du président Nkurunziza à un troisième mandat contesté. Il vient du verbe kirundi Kumesa, qui signifie « laver les habits ». Donc littéralement, « Tuzobamesa » pourrait être traduit en : « Nous allons vous lessiver ».
Qu’est-ce que les militants du CNDD-FDD veulent dire quand ils parlent de « lessiver » leurs opposants ? Ça veut dire qu’ils vont les combattre par tous les moyens, qu’ils ne permettront à personne de les « déloger » du pouvoir, quitte à user de la violence.
Le slogan en question signifie aussi que l’opposition représente quelque chose de sale qu’il faut « laver » ou purifier, l’acte ultime de purification étant de se rallier au parti au pouvoir. La purification ramène aussi à des connotations de purges ethniques qui ont déjà tellement endeuillé le pays.
Après avoir servi de discours de bataille contre l’opposition qui contestait le troisième mandat, « Tuzobamesa » a aussi été utilisé pour s’insurger contre les pays soupçonnés par le pouvoir d’être des soutiens de l’opposition : la France, la Belgique, le Rwanda…
D’ailleurs, le mot est tellement fort qu’il a traversé les frontières jusqu’à atteindre le président rwandais Kagame, qui a récemment répliqué en disant : « J’entends des gens m’insulter sur les radio et les télévision… Ils disent même qu’ils vont nous lessiver. Mais ils savent qu’ils ne peuvent pas. »
Slogans violents et démocratie ne vont pas de paire
Le problème avec ces mots, c’est qu’ils sont les symptômes d’une politique basée sur la violence. Les manifestants ont été lessivés. La torture est monnaie courante. Les associations de défense des droits de l’Homme ne cessent de dénoncer des disparitions forcées.
Les slogans d’une violence pareille ne devraient pas être acceptés dans un discours politique d’un pays qui se veut démocratique. Si nous voulons que notre pays soit une contrée paisible, comme les officiels de Bujumbura ne cessent de le dire, bannissons les discours comme « Tuzobamesa » qui sonnent plutôt comme des déclarations de guerre.
Et comme dit l’adage, évitons aussi de vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué, car on risque de se retrouver dans un scénario où « le lessiveur aura été lessivé », qui sait ?
certains ne savent mẽme pas ce qu’ils disent .