Lors de son intronisation, le mwami devait accomplir une série de rites qui confirment son pouvoir dont celui de la plantation d’ikigabiro, un arbre emblématique de la monarchie. Retour sur ce rite et les usages extra-monarchiques des arbres sacrés.
Pour reprendre la définition de Pascal Ndayishinguje, dans son mémoire « L’intronisation des bami au Burundi : un aspect de la monarchie sacrée », ikigabiro tirerait son origine du verbe « Kugaba » et signifierait « dominer, régner ». Pour le compléter Emile Mworoha ancien enseignant à l’université du Burundi à la retraite ajoute que le mot signifie également l’endroit où le roi faisait des donations.
Même si l’on attribue toutes ces définitions à ikigabiro, c’est d’abord un arbre. Il s’agit de umuvumu ou umumanda, deux espèces de ficus, mais aussi umurinzi (érythrine). Ils sont très grands et très vieux. C’est d’ailleurs l’idée que l’on se fait quand on en entend parler. Toutefois, qu’il soit géant ou minuscule, le kigabiro est celui qui symbolise l’accession au trône de tel monarque.
Le lieu de plantation
Ikigabiro était planté à Nkondo, précisément à Rubumba, au jour de l’intronisation du nouveau roi. Selon Dr Jean Bosco Manirambona, en excursion scientifique avec les étudiants du département d’Etudes Africaines à Muramvya, il apparaît que pour planter l’ikigabiro, le roi se tenait près d’ikigabiro de son prédécesseur et lançait la plantule du sien. Là où cette plantule était tombée devenait ipso facto l’endroit où elle était plantée et plus tard l’ikigabiro commémorant son intronisation. D’ailleurs, on entendra souvent dire : ikigabiro ca Ntare (le Kigabiro de Ntare,ndlr), ikigabiro ca Mwezi (le Kigabiro de Mwezi,ndlr), etc. La chaîne qu’ils forment à Rubumba lui donne raison. Mais, à Rubumba, selon Pascal Ndayishinguje, on n’y retrouve que les kigabiro de Mwezi II, de Mutaga II, de Mwambutsa II. Pour bon nombre d’autres monarques, quoique n’ayant pas poussé, on peut montrer l’endroit où leurs bigabiro avaient été planté.
Qui plantait ikigabiro ?
Selon le premier témoin de Pascal Ndayishinguje dans son ouvrage susmentionné, il se pourrait que ce soient les bashingantahe qui plantaient le kigabiro, mais que le mwami assistait aux opérations. Un autre témoin affirme que c’étaient les bashingantahe qui plantaient le kigabiro, mais que le mwami le tenait quand même dans ses mains. Le troisième témoin confirme les dires de ses prédécesseurs avant d’ajouter que le kigabiro était accompagné de gestes rituels et enduit de produits magico-religieux. Plus loin, un témoin apporte un détail. Ce ne sont pas seulement les bashingantahe qui plantaient le kigabiro, mais Kiranga faisait aussi partie de cette opération et le mwami y assistait. Il ajoute que l’on plantait le ficus, l’érythrine et le bananeraie, mais dénie l’aspersion d’ikigabiro. Pour lui, tout ce que Kiranga plantait poussait très bien puisque Kiranga représentait Imana. Citant l’intronisation de Mwambutsa (intronisé enfant), Mworoha affirme que ce n’est pas le roi qui assurément plantait le kigabiro. Qu’ils soient les bashingantahe ou les grands chefs, Mworoha admet que l’évènement était attribué au roi.
Poursuivant, Ndayishinguje prévient toutefois qu’il y avait d’autres arbres appelés ibigabiro, qui restent toujours au pluriel afin de les distinguer avec ikigabiro, arbre monarchique. Ils s’agissaient donc de ces arbres qui ont poussé près du kraal royal et des tombeaux royaux comme le dragonnier (igitongati), l’euphorbe (igihahe), etc.
L’arbre-civilisation
D’après Ndayishinguje, le kigabiro «ficus ou erythrine » n’était pas seulement le symbole du pouvoir. Il perpétuait également le règne du roi. « Lorsque le roi mourrait, il restait vivant, car il se réincarnait dans le python et habitait enfin l’ikigabiro » poursuit-il.
Pour Mworoha, on dirait que le Burundi était une civilisation de l’arbre. Les maisons étaient construites avec de l’arbre y compris les anciennes cases royales. Les écorces du ficus étaient utilisées pour fabriquer les habits et l’ éryhtine, arbre sacré, protégeait et rappelait le culte de Kiranga, celui de Kubandwa, culte de possession.