Deux femmes, mère et fille liées par le sang et le passée. Le père qui les abandonne pour partir en Tanzanie, un coup de massue pour sa mère quand elle apprend qu’il vit avec une autre. Voilà que la petite fille grandit et décide de raconter son histoire à sa manière. Le message est limpide : apprendre des erreurs de ses proches, s’accrocher et ne jamais abandonner.
Nadine, 19 ans à l’allure vigoureuse avec sa petite taille, me montre de loin une maison en briques dans laquelle elle vit. Cette femme est bien portante, comme son petit de 2 ans qu’elle porte dans le dos. Tout en dorlotant avec tendresse l’enfant pour qu’il se calme, elle me raconte petit à petit son histoire. Elle a toujours vécu dans la commune de Rutegama. Son père était commerçant et sa mère couturière. Elle a une petite sœur de 3 ans sa cadette. Ils vivaient à leur aise jusqu’à ce que le chef de famille décide de quitter le nid familial.
La magie a cessé d’opérer
Son père allait souvent travailler en Tanzanie. « Je me rappelle qu’un jour, quand j’étais en 7ème année, il s’en est allé et n’est jamais revenu. » À cette époque, Nadine avait 14 ans. Elle était assez mature pour comprendre que les fréquents sauts d’humeur de sa maman étaient dus à la souffrance causée par le départ de son père. Sa mère travaillait d’arrache-pied pour subvenir aux besoins de ses enfants. D’autant plus qu’elle avait accouché quelques mois après le départ de son mari. Elle me relate le jour où elle a trouvé, en revenant de l’école sa mère en pleurs. « Maman avait appris par une voisine que mon père vivait avec une autre femme en Tanzanie. » Cette révélation a brisé sa mère à tout jamais. Depuis, elle n’a plus été la même, se souvient Nadine. Sa joie de vivre s’était envolée avec les années de bonheur passées avec son mari. « J’en veux à ma mère de ne pas avoir su garder le cap pour nous, de s’être laissée abattre, oubliant que nous avions plus que jamais besoin d’elle. Je lui en veux de s’être défoulée sur nous pendant des années au lieu d’être présente à nos côtés », confie-t-elle.
À la fin de la 7ème année, Nadine avait tellement accumulé de mauvaises notes qu’elle a fini par redoubler. « Je n’ai pas eu de chances avec les études », m’avoue-t-elle. Mon cœur s’attendrit à mesure qu’elle me fait part de ses déboires. Elle était la seule de son groupe d’amies à être encore sur le banc de l’école. « C’est monnaie courante ici. La plupart des filles abandonnent l’école en 6ème année primaire »
Cependant, elle craignait de tomber enceinte comme deux de ses copines juste après avoir abandonné l’école. D’ailleurs quand la mère de Nadine voyait sa fille traîner avec des garçons, elle lui donnait quelques gifles et la mettait en garde. « Abahungu ni amashetani » (Les hommes sont des diables), lui répétait celle-ci en boucle.
Cupidon entre en jeu
L’affirmation de sa mère s’est avérée erronée quand Nadine a rencontré Blaise, qui avait 21 ans à l’époque. Il se comportait en ange avec elle. Il avait été d’abord son ami et son confident. Quelques semaines après, il était bien plus qu’un ami. Une année plus tard, elle était enceinte de lui. Évidemment, elle a essuyé les insultes de sa mère mais Blaise était toujours là pour la réconforter. « Azoguta agende » (Il finira par te quitter), lui disait sa mère tout en lui rappelant que son père les avait abandonnées.
Elle a ensuite accouché d’un magnifique garçon. Les deux familles se sont concertées pour organiser le mariage de leurs enfants. Ils ont vécu ensemble pendant deux ans. Blaise, l’éternel ambitieux, est quant à lui parvenu à terminer ses études secondaires. Blaise culpabilisait d’avoir terminé ses études alors que sa femme avait fini par abandonner. Pire, il devait s’en aller à Bujumbura pour commencer l’université.
Dans des moments d’abattement, Nadine s’imaginait que sa mère avait peut-être raison. Blaise pourrait s’en aller et ne plus jamais revenir comme son père. Pourtant, quelque chose avait changé en elle. Plus que jamais, elle avait envie de se battre et d’être là pour son fils.
« Ubu ndacuruza » (Maintenant je suis vendeuse), m’annonce Nadine fièrement. Elle a décidé de se reprendre en main et de construire un meilleur avenir pour son fils tout en le choyant de tout son cœur. Seule ou avec Blaise, une chose est sûre : elle ne va pas faire la même erreur que sa mère.