Le Burundi s’est doté d’un instrument juridique essentiel pour lutter contre les violences sexuelles basées sur le genre, à savoir la loi anti VSBG promulguée en 2016. Mais les auteurs de ces crimes continuent de passer à travers les mailles du filet. Que faire ?
A cause des considérations sociales, certaines victimes de viol préfèrent se murer dans le silence et vivre avec ce lourd secret qu’est le viol. Cela parce que les auteurs de ces ignominies sont le plus souvent des proches, des parentés, des amis puissants, des supérieurs hiérarchiques, etc. Il arrive aussi que les victimes gardent le silence et ne portent pas plainte parce qu’elles vivent dans une société où étaler tout ce qui est lié à l’intime est très mal vu. Une femme qui se livre au déballage de ce qui s’est passé dans l’intimité est très mal vue. A plus forte raison, elle le fait devant un parterre de juristes qui veulent connaître le moindre détail de l’affaire qui est portée à leur connaissance. Néanmoins, ce que les victimes ignorent parfois, c’est que si une demande est faite et dûment motivée, le procès peut avoir lieu à huis clos.
Dans certains cas, les victimes se sentent incapables de porter plainte, car cela implique de raconter dans les moindres détails ce qui est arrivé, et de revivre ainsi le traumatisme du viol.
Plus préoccupant encore, il y a des familles qui poussent leurs filles à aller vivre avec ceux qui les ont violées. Elles considèrent souvent que les filles ont une part de responsabilité dans ce qui leur arrive et préfèrent se débarrasser d’elles avant qu’elles ne tombent enceinte sans être mariée. C’est ainsi qu’au lieu de porter plainte, certains préfèrent conclure des accords à l’amiable. Sauf que cela est également puni par l’article 23 de la loi n° 1/13 du 22 septembre 2016 portant prévention, protection des victimes et répression des violences basées sur le genre.
Sans justice, la victime devient coupable
Un adage cher aux juristes dit que « La justice sépare l’innocent de l’assassin, l’assassin de son crime et la victime de sa souffrance ». L’impunité des actes de violences sexuelles enfonce les victimes dans le désespoir psychologique. Les victimes ne savent plus où aller ni quoi faire en l’absence de structures appropriées pour les prendre en charge. Elles devraient être prises en charge dès la commission du crime pour que les preuves soient récupérées à chaud, quand les conditions le permettent.
La prise en charge comprend plusieurs volets (médicale, juridique, psycho-sociale, etc.). C’est comme ça qu’on peut espérer atténuer la douleur de la victime. Mais qu’on ne s’y trompe pas. Les violences ou harcèlements sexuels ne touchent pas les femmes uniquement. Les hommes sont aussi touchés, certes, pas au même degré que les femmes, mais ils sont touchés. A titre d’exemple, en 2021, d’après les chiffres recensés dans la province de Ngozi, parmi les victimes de violences psychologiques, on dénombrait 398 femmes contre 53 hommes.
Un #MeToo à la burundaise ?
Ce sont les jeunes filles qui sont particulièrement victimes des violences sexuelles au Burundi, car selon un rapport de 2015, 77% des survivants des violences sexuelles avaient moins de 25 ans.
Il y a cinq ans, le #MeToo déferlait sur Twitter et appelait les femmes à élever la voix pour dénoncer les faits de harcèlement sexuel dont elles ont été victimes. Un simple hashtag a pu déclencher un tsunami qui a fait sortir les femmes de leurs gongs pour faire tomber les hommes puissants qui avaient abusé d’elles. Elles ont pu briser le silence et parler en public du harcèlement et abus sexuels faits aux femmes. Etant donné le nombre réduit de ceux qui utilisent Twitter au Burundi, ce n’est pas sûr qu’un simple hashtag aura les mêmes résultats. Mais à sa manière, chaque Burundais devrait trouver un moyen de participer activement à la lutte contre les violences sexuelles basées sur le genre. C’est ce que Yaga veut faire en vous proposant ce dossier.