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Les femmes et le sport au Burundi, pas le grand amour

Dans notre pays, dès lors qu’on parle du sport féminin, des clichés en veux-tu, en voilà s’imposent. Celui-ci peine toujours à enthousiasmer le spectateur burundais. Petite plongée dans les coulisses d’un sport qui souffre plus qu’il ne vit.

D’emblée, faut-il savoir, le sport féminin ne saurait être autre chose qu’un miroir grossissant des rapports qui prévalent dans la société. Logique. Les discriminations s’opérant dans cette dernière se prolongent également dans les stades, les gymnases, les arènes, les cours, etc. Admettons, parfois ça cogne, même très dur. 

« Que ça cogne, que ça humilie, que ça déprime, dans son for intérieur, de se voir refusée de faire ce qu’on aime, car réservé à ceux qui n’ont eu que la seule chance de naître avec une configuration de l’entrejambe un peu plus différente de la nôtre. Rien que se rappeler de ça, ça cogne même doublement. ». Cela, les femmes burundaises, sportives ou aspirantes sportives, le savent bien, autant qu’elles n’ont pas les coudées franches pour s’affirmer, s’exercer et pratiquer leurs sports.

Venons-en aux faits, car, en effet, le verdict des chiffres en la matière est sans appel. Tenez, en 2018, selon les chiffres recueillis par le CNO (Comité National Olympique), si on tient compte du nombre de techniciennes sportives (entraîneurs et officiels) et des femmes/filles qui sont dans les organes administratifs des organisations, les entraîneurs femmes ne constituent que 2% du total. Dans le corps arbitral, la proportion des femmes culmine à 22% et elles pointent à 23 % dans l’administration des organisations sportives.

Même constat amer concernant les effectifs des joueurs. Sur 3.629 sportifs recensés dans les 14 fédérations de sport individuel qui le composent, dans la catégorie senior seulement, 969 sportives étaient féminines, soit une proportion de 20% de l’effectif total. Dans les 6 sports collectifs, on répertoriait 188 équipes féminines sur un total de 768 équipes, soit un taux de 25% du total.

La racine du mal

Le mal a mille et une origines. La rigidité sociale d’embrasser le changement n’y est pas étrangère. Rigidité elle-même ancrée dans la culture qui est la nôtre, de toujours dénier la capacité de la femme à s’affirmer, à disposer d’elle-même. Disons-le, une femme sportive est aux antipodes de la conception socialement plébiscitée de ce que doit être une femme modèle, « umuzezwanzu ». 

À cela s’ajoute la croyance publique selon laquelle les sports sont par essence un apanage masculin. Le corrélat à ça, une pléthore de clichés et stéréotypes. Les commentaires réducteurs et analyses sommaires du genre, « le sport est par essence viril. Dans le sport féminin, il n’y a pas d’intensité, c’est moins physique, moins impressionnant, moins entraînant. Si ce n’est qu’artificiel, ça ne suscite aucun enthousiasme. », sont légion. 

Par ailleurs, la plupart de ces discriminations trouvent véhicule dans une trivialisation à partir notamment d’un discrédit qui ressemble beaucoup plus à des insultes qu’à de l’humour. Ce qui renforce d’ailleurs les conditions mêmes du maintien de la normalité sociale et culturelle. 

Il est temps de crever l’abcès 

Je crois qu’il est plus que temps de faire avancer le débat, de déconstruire tous les stéréotypes autour de la sportivité de la femme. On ne peut pas être à la fois le pays qui produit Francine Niyonsaba et propulse Lydia Nsekera au sommet du sport mondial et rester les bras ballants quant à la volonté de faire changer les choses. Au lieu de fulminer sur les aptitudes pas spectaculaires des sportives, ne faut-il pas plutôt questionner les conditions dans lesquelles les femmes jouent depuis leur tendre enfance. Cela n’a-t-il pas un impact sur leur niveau de performance ? La focalisation sur les habiletés masculines contribue subrepticement à limiter leur épanouissement sportif, à les marginaliser. 

Et pendant qu’on y est, n’oublions pas surtout, que si le sport féminin accuse un désintéressement notoire, il n’en constitue pas moins une vitrine déployée en faveur de l’égalité des chances entre les genres dans la société. Ne banalisons pas la capacité qu’a le sport, de par ces valeurs, comme le travail d’équipe, l’autonomie, la résilience et la confiance en soi, d’être un véritable moteur de l’égalité des sexes. Grâce à celui-ci, les femmes peuvent braver tant les stéréotypes de genre et les normes sociales qui contribuent toujours à leur mise à l’écart.

Petit à petit l’oiseau fait son nid, dit-on. Avec l’implication de tout un chacun, des hommes avant tout le monde, peut-être que toutes ces difficultés sociales, techniques et financières, manque d’exposition et écarts salariaux, seront un jour un souvenir lointain. Autrement, les femmes n’auront qu’à apprivoiser « sportivement » leur condition.

 

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Les commentaires récents (1)

  1. L’article est trop sévère pour rien. Ce n’est ni la discrimination liée au genre ni la considération sociale qui empêche la femme sportive d’émerger. Rien du tout.
    Questionner plutôt le temps réservé au sport par rapport aux responsabilités familiales de la femme, les taux des femmes à l’IEPS, leur intérêt dans le sport.
    Allez au jardin public, vous changerez d’avis.
    En milieu rural, est-ce que le sport en culotte et fesses en l’air est plus efficace que la houe? les trajets quotidiens? le transport des enfants et des vivres? Votre analyse est trop légère