Le débat sur l’éducation sexuelle est encore problématique, surtout dans les ménages. Avec le manque de dialogue entre les parents et les enfants, les jeunes et les adolescents peuvent mal se comporter ou tomber sur des informations erronées. Ce qui n’est pas sans conséquence.
C’est un samedi soir, dans les ruelles à la deuxième avenue du quartier Bwiza. Dans un coin obscur, un groupe d’une dizaine de jeunes a les yeux plongés dans un smartphone. Le brouhaha et la musique assourdissante du bar proche semblent ne pas entraver leur concentration. Apres deux ou trois minutes, une femme dans les quarantaines surprend celui qui a l’air d’être son fils. « Je t’ai interdit de regarder ces vidéos », crie-t-elle enragée. Des mamans, assises dehors, s’engagent alors dans une conversation sur l’éducation actuelle qui se dégrade au vu et au su des parents. Et moi, dans ma petite curiosité, me mêle dans le débat. « Si les enfants se comporte mal, n’y aurait-il pas une part de responsabilité des parents ? », leur demandais-je. Des opinions diverses ne vont pas tarder à pleuvoir.
Des parents absents ?
C.K, une des trois femmes, d’un air aussi inquiet, partage le témoignage d’une adolescente de son voisin. « La fille qui n’a que 16 ans est tombée enceinte. Le plus dur dans cette affaire, c’est qu’elle a été engrossée par un garçon de 17 ans », raconte-t-elle. Un petit silence s’installe. Après un « tchip », elle ajoute que la mère de la jeune adolescente n’a trouvé mieux que d’accuser sa fille de moins que rien. « Et pourtant, elle voyait sa fille trainer avec des garçons et n’a rien fait pour parler avec elle », poursuit-elle.
L’autre femme, comme pour recadrer les autres, va jeter le tort a tout le monde. « Kera umwana ntiyari uw’umwe. Abavyeyi b’ubu ntaco bakinezwe » (L’enfant appartenait jadis à la communauté. Maintenant personne ne s’en préoccupe, ndlr). Et c’est là que l’échange va devenir sérieux. L’une accusant les nouvelles technologies comme source de tous les maux, l’autre voyant plutôt que les enfants, au lieu de se confier aux parents, préfèrent ramasser tout ce qui se dit autour de la sexualité. « J’aurais aimé parler à ma fille de sa vie sexuelle, mais à chaque fois que j’introduis le sujet, elle devient fuyante », se désole Goreth, la plus âgée de ces femmes.
A qui la faute ?
Justin Mugisha, psychologue spécialisé dans l’éducation et le développement de l’enfant et l’adolescent y voit une responsabilité partagée. Pour lui, si un adolescent ne reçoit pas une éducation adéquate dans le domaine sexuel, il va vivre la sexualité de façon désordonnée et même fatale, sans aucun égard aux mœurs en vigueur telles que la culture les transmet de génération en génération.
« C’est vrai que c’est une tâche très délicate mais elle est indispensable. Il faut parfois faire le tri pour transmettre de bonnes informations adaptées au niveau de la croissance de l’enfant », précise-t-il.
Selon toujours ce psychologue, si les parents et l’entourage ne parlent pas de la sexualité aux adolescents, ils ne pourront pas comprendre les transformations qui arrivent à leur corps. Il conseille aux parents de briser le tabou et sortir du silence. « C’est ainsi que les grossesses chez les jeunes filles et les avortements qui s’en suivent ainsi que les maladies sexuellement transmissibles pourront être gérées », conclut-il.