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À la rencontre des rastas de Muhuzu

Dans ce village de paix, anciennement site de déplacés situé en commune Gishubi de la province de Gitega, vit une communauté menant une vie inspirée des préceptes du rastafarisme. Mêlant art et spiritualité, ils se sont donné pour mission d’influencer positivement leur entourage.

« Jah, Ô Jah, protège-nous des pièges de Babylone », reprend à maintes reprises le chœur de Ijwi ryo mu bugararwa [la voix du désert Ndlr], la band reggae de Muhuzu. Karim, le leader, est comme en transe. Le front dégarni, les quelques dreadlocks restants sont agités au tempo des percussions accompagnant la mélodie. C’est lui qui est à l’origine de cette famille (ils préfèrent le label de famille à celui de groupe). 

En 1993 quand la guerre civile éclate, le jeune Karim est élève au lycée Bukirasazi. Sur les collines, les massacres interethniques font fureur. Il préfère alors aller s’installer à Gitega avec ses parents. C’est là qu’il chope le virus du rastafarisme. Fin 2011, le mal de sa colline le prend, il plie bagage et revient s’installer définitivement à Muhuzu où il fonde deux familles, une biologique et une autre mystico-spirituelle. 

Dans la verdure de Gishubi, la voix du désert sonne comme une contradiction. D’une voix posée, Karim explique cette dialectique avec un air philosophe : « Le désert, c’est la corruption qui mine l’humanité et la conduit dans toutes sortes de dérives. Le devoir du rasta est de propager un message de paix, d’intégrité. »

Une vie spirituelle réglée comme du papier à musique

La relation avec le Créateur, ils la nourrissent, l’entretiennent à travers une vie spirituelle bien mise. Fervents lecteurs des Ecritures saintes, ils carburent à leur foi en Jah. Chaque samedi, « le septième jour, le jour de Dieu selon la Bible », explique un membre, ils se réunissent pour l’exercice de la foi. 

La liturgie est des plus simples. Comme pour le shabbat juif, ils ne s’adonnent pas aux travaux manuels comme aux autres jours. À la fin d’une journée de repos, ils se rencontrent dans la vallée, ou sur les sommets des montagnes, ou encore chez l’un des leurs pour célébrer Jah. « Le culte est divisé en deux parties majeures, la première est la méditation, la seconde est dédiée à la musique », détaille Dieudonné, le bassiste. Pour ce jeune homme, « il est évident que le retour de Karim et la fondation de la famille s’inscrit dans un plan divin. »

Comme pour toute entité spirituelle, les membres d’Ijwi ryo mu bugararwa ont leurs préceptes. Vivre en harmonie avec la nature y tient une grande place. Sakubu Donatien, un des doyens de la famille est vegan pour des raisons qu’il qualifie de « respectueuse envers toute forme de vie. ». Sa position tient en une formule simple : « Pour avoir de la viande il faut tuer un être vivant, ce que je ne cautionne pas. »

Le rasta et ses rapports avec la communauté

Bagarreurs, accros aux drogues, semeurs de troubles, la brochette de clichés qui sont collés aux rastas est longue. Décoiffer ces préjugés en prêchant par de bons exemples est l’un des objectifs d’ijwi ryo mu bugararwa. 

Pour ce faire, la famille a entrepris des activités génératrices de revenus. Le projet phare est l’apiculture. Deux chansons dans leurs compositions musicales sont d’ailleurs dédiées à l’abeille. Cet élevage leur permet de se faire de l’argent pour subvenir aux besoins primaires. Une satisfaction pour tous. « Les gens qui pensent que les rastas sont des bons à rien, lézardant à longueur de journées commencent à changer de mentalité », témoigne Karim.

Pour couronner le tout, ils assaisonnent leurs actions avec la passion du football, « comme Bob Marley, nous fraternisons autour du ballon rond », fait savoir Nesta, le coach d’une des équipes formées au sein de la famille. Au-delà de taper dans le cuir, il arrive qu’ils se retrouvent dans le champ d’un des membres pour cultiver, une façon de ressusciter l’ancestrale coutume d’ikibiri. Le rastafarisme à la burundaise.

 

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