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RDC : une victoire à la Pyrrhus en perspective ?

La meilleure victoire est celle que l’on obtient sans combattre, dit un adage dont j’ai oublié l’origine. Dans la guerre sans merci à laquelle se livrent les belligérants à l’Est de la République démocratique du Congo (RDC), chacun rêve de mettre K.O l’autre. Que sera le goût de la victoire obtenue après avoir tué des millions d’innocents ? Une victoire à la Pyrrhus est celle obtenue au prix de pertes si lourdes pour le vainqueur qu’elle équivaut quasiment à une défaite. Où est la voix de la raison ?

La guerre fait rage à l’Est de la RDC. Les propos belliqueux de part et d’autre ne présagent pas un bon avenir. Le président Félix Tshisekedi accuse le Rwanda d’aider les rebelles du M23 et de s’engager militairement à leurs côtés. Quant au Rwanda, le président Paul Kagame ne cesse de répéter que le M23 est un problème des Congolais et pas celui des Rwandais. Entre temps, certains pays de la SADC (Tanzanie, Afrique du Sud, Angola, etc.) ont déjà envoyé des troupes pour combattre les groupes armés. Certaines troupes se déploient tout près de la ligne de front, prêtes à en découdre avec le M23. Les troupes de la SADC remplacent celles de l’EACRF (Forces régionales de l’EAC) qui ont plié bagages, accusées par Kinshasa de passivité. Sauf que l’EACRF était une force d’interposition destinée à séparer les belligérants, dans la logique d’une paix à venir. 

Des belligérants qui se rendent coup pour coup

Des armes lourdes sont déployées depuis des mois. Un déluge de feu s’abat sur certaines localités du Nord Kivu. Néanmoins, l’hydre du M23 continue de déployer ses tentacules. Hier certaines informations faisaient état des éléments de ce mouvement à 20km de Goma. Il n’y a pas longtemps, les drones des FARDC attaquaient impitoyablement ses positions. Aujourd’hui, nous apprenons que le mouvement ou ses acolytes rwandais seraient en possession de systèmes de missiles montés sur des véhicules blindés pour parer aux attaques des drones. Il y a quelques jours, le président congolais disait que son armée était capable d’attaquer le Rwanda sans franchir la frontière, comprendra qui pourra. Nous assistons à un combat de coqs où personne ne veut perdre la face. Où vont nous mener tous ces discours va-t-en-guerre de part et d’autre qui s’ajoutent aux crépitements d’armes qui tuent déjà des innocents ? 

Risque de déflagration ? 

C’est dans ce contexte que le président Evariste Ndayishimiye s’est envolé ce 13 février 2024 à Kinshasa pour s’entretenir avec son homologue congolais. Des milliers de soldats burundais sont sur le sol congolais. Le président Ndayishimiye a officiellement assumé la présence des militaires burundais en RDC, c’était lors de l’émission publique du 29 décembre 2023 à Cankuzo. Il a prononcé pour l’occasion un adage qui résume bien la situation : ‘’Iyo inzu y’umubanyi ihiye ntuzimye, na gwawe irashikirwa’’

Dans cette même émission, il a accusé le Rwanda de soutenir le mouvement Red-Tabara. Dans la foulée, la frontière avec le voisin du Nord a été fermée. C’est donc presque logique que le Burundi s’est allié à la RDC, l’ennemi de ton ami étant ton ennemi. L’armée burundaise s’est engagée aux côtés des FARDC, dans le cadre de ce qu’on appelle TAFOC, pour combattre les groupes armés qui pullulent à l’Est de la RDC, dont le M23. Les observateurs avisés parlent désormais d’un embrasement possible de la sous-région avec le jeu des alliances qui peut naître, si le conflit n’est pas résolu pacifiquement. Le Burundi ne risque-t-il pas d’être aspiré dans cette spirale de violence sans y avoir été suffisamment préparé ? 

La voix de la paix s’est-elle éteinte à jamais ?

Depuis 1996, avec l’invasion de l’AFDL de Laurent Désiré Kabila, l’Est de la RDC est en proie aux atrocités qui ont emporté des millions de vies humaines. Les rébellions se sont succédé, de la CNDP de Laurent Nkunda à Twigwaneho, en passant par le MLC de Jean Pierre Bemba. Les groupes armés comme ADF sèment la terreur dans cette région. Mais où est donc la voix de la raison ? La voix de la paix s’est-elle à jamais tue ? Où est le prix Nobel de la paix ? Denis Mukwege, lui qui connaît les souffrances des Congolais de l’Est pour y avoir travaillé pendant des années, ne devrait-il pas faire entendre la voix de la sagesse ? Seules les armes parlent actuellement. C’est dommage qu’il y ait des gens qui pensent encore que la paix se trouve au bout du canon ou du fusil. A quoi servira une improbable victoire qui aura emporté des millions de vie au passage ? Une citation de Nadine Nyangoma, une autrice burundaise de talent devrait nous pousser à réfléchir tous sur le sens de nos actions : « Vainqueurs et vaincus se retrouvent toujours  face à  l’agonie du souvenir ».

 

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