Le Burundi fait face à un déficit en infrastructures routières. L’investissement routier n’est pas suffisant pour réparer ce réseau. Cependant, le péage est un moyen qui permettra au Burundi de prendre en main le financement des routes. Radical aux yeux de certains, ceci ne se concrétisera pas cette année. Mais il peut être bon d’en débattre. Un expert nous explique.
3 mois après le forum national sur le développement économique une phrase résonne toujours dans ma tête : « Finalement, notre économie a la capacité de mobiliser les investissements internes pour financer nos routes », c’est la conclusion faite par Dieudonné Dukundane, secrétaire exécutif du corridor Central.
Ce dernier prône l’institution d’un mécanisme de péage afin que les usagers des routes paient le service offert après la réparation ou la construction d’une route. Pourquoi ? D’après lui, le pays se trouve dans une impasse financière pour rénover ses routes. L’investissement routier ne permet pas de réparer les routes délabrées.
Difficile de croire que le Burundi peut financer ses infrastructures routières. Néanmoins, l’expert est méthodique. Pour expliquer ce nouveau moyen de financement, il s’appuie sur des chiffres et des enquêtes pour convaincre l’Etat.
Au début de son argumentaire, l’expert ne mâche pas ses mots. « Nous faisons face à un déficit en infrastructures de transport ». Les routes sont plus maladives qu’on ne le pense. Par exemple, 1242 km des 1933 kilomètres de routes nationales se trouvent dans un état lamentable. Elles ont besoin d’intervention urgente.
Les usagers paient le prix fort
« Ce déficit nous coûte énormément cher et rend notre économie moins compétitive », déplore Dieudonné Dukundane. Pour se faire comprendre, il montre la perte encaissée par les usagers de ces routes en mauvais état. À titre d’exemple, la route Bujumbura-Nyanza lac est longue de 150 km. Quand la route était en bon état, on pouvait la parcourir en une heure et demie, avec une consommation de carburant de 20 litres, soit 20 dollars américains (plus de 40 000 BIF). À cause de la dégradation de cette route, un automobiliste met 4 heures et utilise plus de 50 litres de carburant, soit 60 dollars (plus de 120 mille BIF). Sur ce trajet, l’usager perd donc 40 dollars, l’équivalent de plus de 80 mille BIF.
Chaque année, 13 000 véhicules empruntent cette route. Par ces estimations, le Burundi perd 300 millions de dollars en 5 ans, soit plus de 600 milliards de BIF. En outre, les usagers de ces routes en piteux état perdent du temps. 130 000 véhicules perdent plus de 5 mois par an.
Ce n’est pas tout. Les importateurs ne sont pas épargnés. La plupart des importations passent par les routes. Chaque année, 500 mille tonnes de marchandises achetées en dehors de l’Afrique passent par le port de Dar-es-Salaam. Par cette voie, l’importateur perd 90 dollars par tonne par rapport à celui qui importe par la voie lacustre. Si la moitié des importations passent par le lac Tanganyika, le manque à gagner se chiffrera à 36 millions de dollars par an, soit 180 millions de dollars en 5 ans.
Au total, martèle Dieudonné Dukundane, le transport routier en mauvais état coûte à notre économie 480 millions de dollars américains. Plus du triple de la contribution de la Banque Africaine de Développement dans ce secteur. En 10 ans, le Burundi perd à peu près 1 milliard de dollars à cause des routes dégradées : « Finalement, notre économie a la capacité de mobiliser les investissements internes pour financer nos routes », conclut-il
Le problème du financement s’invite dans la danse
Pour booster la croissance économique, il faut d’abord réparer les routes délabrées. Actuellement, l’Etat doit débourser 1,2 milliards de dollars américains, soit plus de 2400 milliards BIF pour rénover 1242 km de routes en piteux état. Cette enveloppe est supérieure au budget de l’Etat estimé à 1715,1 milliards BIF de cette année.
Or, l’agence routière du Burundi ne gère que 6 milliards BIF destinées à l’entretien des routes. Cette somme ne permet pas d’effectuer ces investissements d’envergure nécessaires à l’entretien et à la maintenance des routes.
M.Dukundane souligne que le mode de financement des routes appelé péage permettra au Burundi de prendre en main le financement des routes. « On peut instituer un mécanisme de péage afin que les usagers des routes paient au service offert après la réparation ou la construction de route », explique-t-il
D’ailleurs, le Burundi a besoin de 1,2 milliards de dollars pour la maintenance des routes alors que les usagers de ces routes perdent 1 milliard de dollars en dix ans. Voilà, pourquoi les usagers peuvent financer la réparation de ses routes.
C’est quoi le péage ?
Ce mode de collaboration entre les secteurs public et privé est appelé : partenariat public-privé (PPP). Faute de moyens suffisants pour construire une route, l’Etat fait appel au secteur privé. Ce dernier signe un contrat de concession avec la société X prévoyant de financer, construire, exploiter et réparer une route. Ladite société apporte les fonds pour réaliser les investissements nécessaires et la technologie pour construire ou réparer cette route.
Afin de se rémunérer directement auprès des usagers, l’entreprise installe un péage et exploite cette route pendant un certain nombre d’années. Ce qui lui permet ainsi d’avoir son retour sur investissement. De son côté, l’Etat doit s’assurer de négocier un tarif accessible à la population.
Pendant toute la durée du contrat, l’Etat reste propriétaire de cette route mais il ne joue qu’un rôle de supervision et de contrôle de l’exploitant aux fins de s’assurer du respect des indicateurs de performance. Au terme de la période, l’entreprise privée transfère la route à l’Etat.