Un post récemment publié sur la plateforme Yaga m’a interpellé. Lors de la troisième édition du Forum intercontinental africain sur la jeunesse, la paix et la sécurité, les propos du président de la République appelant les jeunes à créer des emplois plutôt qu’à en attendre indéfiniment du travail. ont suscité des réactions. Cela m’a poussé à m’interroger : cette vision est-elle réaliste ou s’agit-il d’un transfert de responsabilités dans un contexte où tout semble jouer contre les jeunes ?
Commençons par ce commentaire qui a inspiré les lignes qui vont suivre: » Cette idée de dire « tu as étudié, débrouille-toi pour trouver un emploi » est pleine de contradictions. Il faudrait vraiment examiner cela de près car, soyons honnêtes, ce message ne concerne pas les enfants des élites. L’entrepreneuriat, mes amis, n’est pas fait pour tout le monde, c’est une voie semée d’embûches. Ceux qui s’y engagent ont besoin d’un environnement favorable pour s’épanouir et créer de nombreux emplois, afin que ceux qui se considèrent comme travailleurs puissent également trouver leur place. Mais si tout le monde devait devenir entrepreneur, ce serait le chaos. Qui alors va enseigner à nos enfants ? Qui soignera nos malades ? Qui veillera sur la justice ou garantira la sécurité ? Respectons les choix et les vocations de chacun, et vous verrez que les choses iront mieux. »
Malgré que le gouvernement affirme être engagé dans la lutte contre le chômage des jeunes, les chiffres et les réalités sur le terrain peignent un tableau bien diffèrent. Selon une étude réalisée par la Banque Mondiale en 2023, près de 70 % des jeunes entrepreneurs burundais abandonnent leurs projets dans les trois premières années. Ce chiffre témoigne d’une faillite précoce pour les entreprises nouvellement créées. Très peu parviennent à la maturité après la création, et par ricochet, ne peuvent pas créer de l’emploi.
Pour être clair (dans des termes accessibles), faire immatriculer une entreprise est facile au Burundi. Mais, la faire vivre est une autre paire de manches.
Dans un pays, où l’économie est étouffée par une inflation galopante, une dévaluation de la monnaie locale, et un manque chronique d’énergie, comment une petite entreprise peut-elle survivre lorsqu’elle doit faire face à des coupures d’électricité quotidiennes ou à une pénurie de carburant, ou encore dans un contexte de fermeture de frontière ?
Certaines grandes entreprises préfèrent désormais délocaliser leurs activités en raison du climat des affaires actuel. C’est le cas de la société fintech Sama Money, ainsi que d’autres (à lire ici).
Que faire dans l’urgence.
Il est grand temps d’évaluer l’impact des politiques de lutte contre le chômage. Cette évaluation doit aller au-delà des chiffres présentés lors des discours officiels, tout en mesurant l’efficacité des programmes en termes de création d’emplois.
A mon avis, le gouvernement burundais doit prendre ses responsabilités. Il est de sa responsabilité de créer l’emploi, tout en établissant un cadre économique, social et institutionnel qui influence directement les opportunités d’emploi.
Monsieur le Président, laissez les jeunes porter seuls le fardeau de la création d’emplois, dans un environnement aussi hostile que le nôtre est simpliste, pour ne pas dire naïf. Peut-être qu’il faut changer de stratégie et focaliser l’attention sur les enjeux macro-économiques avant de drainer les jeunes vers l’entrepreneuriat.