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Et si on nous laissait tous pleurer nos morts ?

Ce 2 août marque la mort l’an passé du Général Adolphe Nshimirima, un des grands piliers du pouvoir. Cette journée commémorative a été marquée d’une marche organisée par les membres et les sympathisants du régime en place. Une occasion pour le contributeur Mateso, lecteur de Yaga, de dénoncer un pouvoir qui ne laisse pas tout le monde pleurer ses morts. 

La mort d’un proche est toujours foudroyante. Bien conscient que personne ne peut y échapper, il est cependant difficile de s’y préparer. D’autant plus quand la mort est subite et que l’être aimé disparaît dans des conditions floues. On est alors plongé dans une profonde détresse. Et cette détresse devient insurmontable lorsque pleurer ses morts est interdit, quand on doit se taire, cacher et avaler sa douleur, et que l’on se sent sombrer seul dans le vide.

Hier, en assistant à la marche en l’honneur du Général Adolphe, je me suis posé maintes questions. Est-ce lui  le seul homme qui mérite une marche d’hommages ?

Des dizaines, des centaines de personnes ont péri ces derniers mois et de la même façon. Certains étaient encore enfant… Qui sait, ils auraient pu eux aussi devenir maréchal, président, ministre ou sénateur… Mais leurs rêves se sont évanouis et la réalité c’est qu’ils sont aujourd’hui empaquetés entre quatre planches de bois (ceux qui ont eu cette chance bien sûr), six pieds sous terre à Mpanda.

 Mais malheur à ceux qui ont voulu en savoir plus sur la disparition des leurs. Les uns ont été contraints à l’exil, d’autres ont été tabassés, humiliés. Tant  de Burundais ont perdu les leurs dans cette crise et ont été contraints au silence.

Si des enfants se sont retrouvés au mauvais endroit au mauvais moment ou qu’ils n’avaient pas eu la chance de naître dans la « famille idéale », d’autres « grands hommes » ayant servi le pays ont subi le même sort qu’Adolphe. A cette différence que certains ont souffert avant de mourir. Et si nos morts étaient tous pleurés, accompagnés et honorés ?

Les larmes non versées  nous rouillent de l’intérieur

Je ne suis pas contre la marche en l’honneur du général qui s’est tenue hier. J’ai déjà perdu ceux qui me sont chers, je sais combien montrer sa tristesse, commémorer la disparition d’un être cher aide à cicatriser les blessures. Mais qu’en est-il de ces personnes qui se sont vues refuser le deuil ? Qu’en est-il de cette femme qui a vu sa famille (mari et enfants) périr et qui a du se résoudre à l’exil par peur d’être la prochaine sur la liste ?

Adolphe n’est pas le seul homme qui mérite la fermeture d’un boulevard à la circulation pour que puisse y être déposées des gerbes de fleurs. Il y’a d’autres généraux qui ont péri et ils avaient des enfants qui auraient aimé les pleurer. Ils avaient aussi des amis dont les douleurs causées par une séparation brutale méritent aussi d’être apaisées. Qu’on nous autorise à marcher en leur honneur, qu’on nous permette de verser nos larmes, qu’on nous laisse alléger nos souffrances. En fait, qu’on nous laisse tous manifester notre amour pour les nôtres.

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